Interview populiste de Machiavel par Montesquieu
Machiavel rend une visite impromptue à Montesquieu aux enfers qu’ils habitent désormais tous les deux. Visiblement pris par l’ennui en ces lieux, il vient discuter avec un esprit qu’il sait à sa hauteur. Une joute verbale s’engage alors entre les deux grands hommes. Elle ne se veut pas le compte-rendu de leur présence en ces lieux damnés, pas plus que le témoignage de leur mode d’existence mais bien une réflexion sur les institutions, une discussion sur la valeur et les conséquences de la souveraineté nationale. L’intention est manifeste de souligner l’actualité du propos.
Maurice Joly force le trait de l’opposition entre les deux auteurs, en faisant de Machiavel un dictateur en puissance. L’autocratie est présentée comme une dérive naturelle de la démocratie. Marcel Bluwal prend des répliques des dialogues du texte de Maurice Joly, sans utiliser le contexte élaboré par l’auteur (une plage où circulent des ombres) ; il sélectionne des échanges un peu vifs en faisant la part belle à Machiavel ; il ôte la plupart des références historiques.
Dans une mise en scène sobre et frileuse, qui l’assigne d’une certaine manière au rang de monstre sacré, Pierre Santini semble gêné aux entournures et demeure peu enjoué. Hervé Briaux se révèle quant à lui captivant, inspiré. Les costumes d’époque figent le dialogue. Le décor, dépouillé, figurant des tranches de livres dessinées en fond de scène, n’évoque en rien les enfers et reste sans âme, un paradoxe pour un lieu accueillant des êtres privés de vie. On a le sentiment d’assister à une interview de Machiavel par Montesquieu.
C’est que le propos de Maurice Joly, déjà simplificateur, est encore simplifié, au risque de la caricature. On sous-entend en permanence la justesse des propos du florentin, comme pour en célébrer insidieusement la victoire. Le rôle dévolu à Pierre Santini, manquant de couleur, ne permet pas de souligner suffisamment la valeur de l’Etat de droit, ce qui peut donner un tour populiste à la représentation.
christophe giolito & manon pouliot
Dialogue aux enfers de Machiavel et de Montesquieu
de Maurice Joly – Adaptation et mise en scène Marcel Bluwal
Avec Pierre Santini et Hervé Briaux
Décor Catherine Bluwal ; lumières Jacques Rouveyrollis assisté de Jessica Duclos ; costumes Corinne Rossi ; assistante à la mise en scène Véronique Viel.
Au Théâtre de Poche–Montparnasse 75 bd du Montparnasse 75006 Paris 01 45 44 50 21.
Du 15 Septembre 2018 au 6 Janvier 2019. Du mardi au samedi 19h, dimanche 15h
Relâches exceptionnelles les 25 décembre et 1er janvier.
Durée 1h15 Production Théâtre de Poche-Montparnasse En partenariat avec À Nous Paris.
Le texte est édité par L’avant-scène théâtre dans la collection des Quatre Vents.