Georges-Emmanuel Clancier, Au secret de la source et de la foudre

Le charme dis­cret d’une bour­geoi­sie lettrée 

Dans la droite ligne de Vive fut l’aventure ou dans son anti­ci­pa­tion, ce livre demeure une décla­ra­tion d’amour à la vie, à l’amour tout court et à l’éternelle jeu­nesse. Com­ment pourrait-il en être autre­ment ? Georges-Emmanuel Clan­cier vient de fêter ses cent trois ans… Ce qui est décou­ra­geant pour tous les ama­teurs du néant.
Tou­te­fois, ces poèmes ne sont pas écrits à l’âge cano­nique du poète. Ils sont extraits de la cor­res­pon­dance inédite que l’auteur tri­cota avec Arlette Bru­nel des années 60 aux années 80. Le poète n’était déjà plus un per­dreau de l’année mais ces textes sont dans son exacte poé­tique même s’ils furent écrits un peu à la va-vite. Du moins, c’est ce que le poète laisse pen­ser. Mais il n’était pas de ceux qui, lorsqu’il écri­vait, avan­çait comme un che­val fou et la bride sur le cou.

Les poèmes ont le charme dis­cret d’une bour­geoi­sie let­trée qui se laisse aller à une cer­taine fan­tai­sie récréa­tive plu­tôt rafraî­chis­sante. C’est d’ailleurs ce qui a tou­jours fait le charme un rien désuet du poète. Amis des ava­lanches ver­bales à la Nova­rina ou de la res­tric­tion nar­ra­tive d’un Michel Dunand (direc­teur de la revue Coup de Soleil) ou Ber­nard Noël., pas­sez outre. Le pri­me­sau­tier fran­chit les haies de manière mesu­rée et il les choi­sit pas trop hautes.
Mais c’est une manière de ne pas tri­cher. Clan­cier ché­rit la langue mais ne cherche pas le mot pour lui-même. Il reste un enjoué avisé et de ceux qui savent tou­jours s’émerveiller – faculté, temps aidant, qui se perd. L’auteur, aujourd’hui comme hier, n’est jamais blasé. Et lorsqu’une mouche bour­donne dans la pénombre, il ne se laisse sai­sir ni par le zon­zon lan­ci­nant, ni par le noir.

Clan­cier reste « avec le temps » le poète des amours écrites dans une « belle » écri­ture. C’est là sans doute la limite d’une œuvre riche en jeu­nesse d’un cœur prêt à se lais­ser aller au ban­quet des sens. Mais l’écriture riche de ses cer­ti­tudes et ces points sur les « i » d’infini sont la limite de celui qui aura tra­versé le siècle der­nier avec ala­crité.
Reste que son style est un peu com­passé pour offrir à la jeu­nesse un témoi­gnage d’espérance qui l’encouragerait. Certes, Clan­cier fut et reste un homme d’esprit gour­mand d’existence. Mais sa poé­sie illus­tra­tive ne sera sans doute guère opé­ra­tive pour ouvrir l’appétit aux enfants du nou­veau siècle. Et ce, même si d’un livre à l’autre le sen­ti­ment trouve encore et tou­jours la force de vie contre le peu qu’elle est en ne man­geant jamais la joie d’exister.

jean-paul gavard-perret

Georges-Emmanuel Clan­cier,  Au secret de la source et de la foudre, Gal­li­mard, col­lec­tion Blanche,  2018, 64 p. — 120,0 €.

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