Le galeriste Christophe Mottet a écrit un livre ambitieux. Le défenseur d’artistes jeunes, et majeurs mais encore méconnus (entre autres Théodore Mann), a voulu formaliser ses choix de galeriste et ce qu’il nomme – à juste titre d’ailleurs – le « New Abstract Art ». Qu’on se rassure : en dehors du titre, aucun anglicisme dans ce livre fort, ardent, ardu où l’auteur a parfois – par volonté de clarification – tendance à se perdre dans des argumentations dont les réitérations peuvent étouffer le lecteur.
Néanmoins, ce sont là des défauts de jeunesse. Se recentrant sur l’art, Mottet permet de déplacer progressivement son propos liminaire de l’humain à l’esthétique qu’il défend. Sur l’homme, il écrit de belles pages. Son « préambule » – curieusement nommé puisqu’il fait les trois quarts de livre (mais ce texte est sans doute une partie d’un work in progress plus important) – rappelle certaines vérités qui semblent évidentes mais ne le sont pas : « se libérer d’une branche nécessite la destruction de la branche » par exemple.
Cette longue introduction (et plus) débouche sur le cœur de l’engagement de l’auteur et galeriste poursuit : la défense de la peinture abstraite. Mais pas n’importe laquelle. Elle débouche sur une vision particulière de l’artiste. L’auteur perçoit son corps comme « masse constante, vitesse constante » entre autres. A partir de ce point de vue et considérant l’art abstrait comme « la représentation de l’intériorité sous firme intelligible », l’auteur donne à celui-là une représentation originale. Elle a le mérite de sortir l’abstraction de son aspect « métaphysique » qui lui colle à la « peau ».
Mais cette méditation totalement « habitée » aurait gagné en clarté par le remplacement de considérations générales à l’aide d’exemples. Pourquoi ne pas appuyer par exemple sur la théorie sur l’œuvre de Théodore Mann qui permettrait d’éclairer des développements trop « abstraits » ?
Le lecteur peut en effet estimer que Mottet se limite à une pétition de principe. Ce qui n’est pas le cas. Dans sa vision, la peinture abstraite impose à son créateur la capacité à créer une courbure de l’espace-temps. Il manque encore à Mottet la possibilité de faire confiance à sa propre expérience de galeriste. Sa pratique aurait permis de clarifier des intentions théoriques qui resteront pour beaucoup des déclarations de principe.
De plus et à l’inverse de tant de livres théoriques qui écrasent le lecteur sous l’armature de citations, celui-ci en manque cruellement. Fort de telles assises, le lecteur trouverait un éclairage plus cadré, étayé et (im)pertinent.
jean-paul gavard-perret
Christophe Mottet, New Abstract Art – Masse, champ, espace-temps, Les Editions du Berger, Chambéry, 2018, 32 p. — 5,00 €.