En Europe, Catherine Denis est sans doute une des seules (avec Fabienne Verdier) à pouvoir revendiquer le titre de calligraphe. Elle a dirigé progressivement sa peinture en ce langage en une sorte de chemin de la Passion. Son enfance et sa jeunesse passées dans un environnement musical la familiarise à la perception de l’espace et du rythme. A Taiwan et en 1980, elle découvre la calligraphie chinoise. Elle s’installe ensuite en Chine, à l’École Nationale des Beaux-Arts de Hangzhou. Elle y approfondit sa connaissance de l’art de l’écriture au pinceau. De retour en France, elle fait partager son expérience avec des élèves tout en continuant son travail personnel.
Son approche de la calligraphie fut d’abord un long travail d’ascèse. D’autant qu’à l’époque et pour les maîtres du genre, partager un tel savoir avec une femme et qui plus est une femme occidentale n’était pas donné “tout cuit”. Et si de prétendus avant-gardistes fustigent son travail, se découvre chez elle la capacité de renouvellement d’un art qui par une telle perspective “foraine” offre une nouvelle vision.
Après son premier journal qui rassemblait ses remarques et impressions sur le travail et l’apprentissage de la “présence encrée”, celui-ci (il court de 2010 à 2017) offre une médiation plus intime et aborde la question fondamentale de la justesse de sa pratique en tant qu’occidentale : “de nouvelles voies de pensées et de créations se sont ouvertes, il ne s’agit plus d’imiter ou de s’inspirer, mais d’enrichir sa pensée de l’art, de continuer à se transformer”.
L’artiste crée en conséquence la symbiose entre la peinture occidentale et la calligraphie chinoise pour métamorphoser l’une et l’autre. L’œuvre met en commun ce que les cultures occidentale et orientale séparent. Pour elle, le langage n’est qu’un moyen de comprendre le principe d’être de toute chose. Seule sa maîtrise permet d’interpréter chaque élément de l’univers. Et de donner vie à une peinture.
Catherine Denis a donc trouvé peu à peu la sienne selon une approche qui par un lyrisme des formes et des couleurs n’est pas délire ou abandon mais suprême précision afin de faire trembler le sens de l’art dans la dynamique et la dialectique de ses tropismes opposés.
jean-paul gavard-perret
Catherine Denis, De l’exercice à l’œuvre, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2018, 72 p.