Accompagné de fantômes, l’enfant d’ Une vie en l’air se prend dans l’immense squelette du monde par l’intermédiaire d’un seul et particulier os à ronger. Il s’en étonne même si, peu à peu, tout l’amène, par ce lopin d’espace, à préjuger d’une autre réalité. Celui qui aimait danser sur du Bronsky Beat en vient à entrer en pâmoison face à un univers déceptif : celui d’un aérotrain de la Beauce et son rail de 18 km laissé lettre morte.
Mais l’auteur montre comment un enfant puis un adulte occupe le monde. Dès lors, la monotonie d’un rail, son lieu vide et haut devient l’objet d’un récit étrange. La ligne de béton est le vrai héros mutique du livre comme le fut dans les précédents romans de l’auteur la passion pour les cartes muettes et les lieux exsangues.
Philippe Vasset prolonge ce rail dans l’épinglage particulier et accompli d’un urbex caché dans la Beauce. Il bétonne l’échec de Bertain (son entrepreneur) et prouve que penser au lieu ne veut pas dire qu’il le pense sinon dans sa perte. Vasset mixte cet abandon à la naissance du TGV et avec l’affaire de cœur d’Anémone Giscard d’Estaing. En jaillit le possible destin d’une folie créatrice qui finit « an l’air ». Le héros se retrouve serré sur une sorte de « monte là-dessus » parfaitement vain, entre possession et dépossession.
L’enquête débouche sur l’absurdité voire une mimesis où le réel est fétichisé et rendu merveilleux en une sorte de fête à nœud-nœud face à un rail que tout le monde regarde et qui ne signifie rien car, dans ce livre comme dans la campagne, il ne possède aucune finalité.
jean-paul gavard-perret
Philippe Vasset, Une vie en l’air, Editions Fayard, Paris, 2018.