Dani Bouillard offre un album inattendu. Hors mode, il poursuit une route rock soft soutenue par une guitare solo discrète mais prégnante. Les musiques sont insidieuses et les textes rarissimes. Et – surprise – ils sont tous de Gérard Blanchard ! Voici plus de trente ans qu’on avait perdu sa place. Et celui qui fut surnommé (de manière trop réductrice) « rocker à l’accordéon » se révèle tel qu’il fut et tel qu’il demeure : poète.
De ceux qui trouvent dans le territoire d’une chanson la manière d’illustrer le monde loin des vers de mirliton. Le réel est là, entre réseaux sociaux, improbables conseillers en communication et « mamans qui ne savent pas nager » et font boire la tasse à de futurs gendres pas forcément idéaux.
Même quand la poésie « vomit sur une jupe plissée », elle garde ici un charme canaille. Et la rencontre des deux créateurs — qui pourraient être père et fils vu leur écart de génération — crée un « ostinato sous la peau, une mémoire de ritournelle et des gimmicks au sang de taureau ». La voix demeure insidieuse et douce. Elle évite (comme l’orchestration) tout effet ostentatoire. Le blues est là, mais tiré d’un bayou made in France et ne cherche jamais à singer celui de la Louisiane.
Le technicolor n’a rien des sépias de celui du cinoche « peint » par Nathalie Kalmus. Et « sous le regard bleu de ses filles», Bouillard fait partager un bout de chemin avec, au passage, un bel hommage à Truffaut là où « la vie tourne son film ». Hors cadre, l’artiste et son « vieux con » autoproclamé de parolier lustrent les 12 titres à la peau de chamois. C’est une belle surprise et une réussite.
jean-paul gavard-perret
Dani Bouillard, Technicolor, Label Microcultures – Differ-ant, 2018. A paraître le 15 octobre.