Les gravures d’Yves Barré passent en marmottant entre les poèmes chewing-gums de Nadaus. Chacun est isolé. Il semble se réfugier dans la page pour être encore plus seul et jaillir moins comme une pâte à mâcher qu’à ressasser et pour exhaler, sans le trahir, ce que le poète a sur le coeur.
Chacun éclate comme une boule de gomme et des vérités sourdent au nom de celui qui a toujours refusé d’être « fusillé par derrière ». Et là où « seule la lune bronze blanc », il rappelle la présence de la camarde mais pour tenter de la tenir à distance.
La matière à penser est donc un crime contre la mort qu’on se donne ou qui nous est donnée. La forme du poème comme celui de la gravure permet de se soustraire provisoirement à l’inéluctable tout en rappelant ce qu’il en est.
Existe là une mise à sac de nos encombrements inutiles et vaniteux, une sortie de l’enveloppement pour une mise à nu. La forme fixe du poème fait place de brusques sauts, des écarts successifs. Le tout pour avancer entre ce qui est mais aussi ce qui ne se voit pas. Les mots et les gravures semblent réponse mais soudain les fourmis sont dans la main.
jean-paul gavard-perret
Roland Nadaus, Petits poèmes chewing-gums, gravures d’Yves Barré, Typographie de Jacques Renou, éditions Atelier de Groutel, 76610 Champfleur, 2018 — 20,00 €.