Julie Quéré, Le val joyeux

Bas-reliefs abys­saux

Rien ne sert d’écrire avec logique clas­sique l’érotisme, la nature où le regard qu’on porte sur eux sinon à dupli­quer du même. C’est pour­quoi ce voyage en ce « val joyeux » crée des accrocs et des dépla­ce­ments de sens : « puisqu’il faut rendre à César je suis en bas je suis sur le sen­tier au dehors de la mai­son comme vous je regarde la fenêtre qui regarde la mer long­temps ouverte ». Existe donc tout un dépla­ce­ment d’optique.
L’expression sépare de l’ordre natu­rel afin d’accompagner l’insaisissable, le sou­li­gner comme le font, en pein­ture, les tableaux — enfin ceux qui ne se limitent pas à la simple représentation.

Existe ici une vue de l’esprit. Elle est toute en pro­fon­deur afin de ne jamais retom­ber sur du pareil ou du même. Ecrire n’est pas super­po­sable à la réa­lité. Une sépa­ra­tion demeure. Un espace inédit jaillit des espaces com­muns. Bref, aucune inté­grale. L’écriture n’appartient pas au domaine concret. Du moins pas en tota­lité. Mais elle apporte une dimen­sion addi­tion­nelle. C’est d’ailleurs sa seule rai­son d’être.
Si bien qu’ « en arche au-dessus du por­tail il y aura tes yeux contem­pla­tifs et pleins d’eau qui comme à chaque marée regardent d’un œil nou­veau éclore les fleurs et battre la petite houle il y aura d’autres pay­sages puissent-ils être aussi chan­geants et lumi­neux aussi impré­vi­sibles chaque matin devant nos corps ». L’écriture lita­nique en ses volutes s’enfonce dans les cir­cuits de plai­sir mêlés de doute. L’élan vient battre, comme la marée mon­tante, un empê­che­ment. Et ce der­nier, l’écriture le prend par défaut.

La poé­tesse renou­velle les fon­da­men­taux du récit et de l’évocation par la trans­for­ma­tion des règles de la com­po­si­tion et la capa­cité de l’imaginaire à conju­guer le monde tel qu’il est pour mieux dégom­mer les pon­cifs pic­tu­raux et pay­sa­gers. Ils deviennent des bas-reliefs abys­saux au sein de ce qui pour­rait sem­bler bien sage.

jean-paul gavard-perret

Julie Quéré,  Le val joyeux, Der­rière la Salle de Bains, Mai­son Dagoit, Rouen, 2018 — 5,00 €.

1 Comment

Filed under Poésie

One Response to Julie Quéré, Le val joyeux

  1. Carreira

    Brillan­tis­sime relief …

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