Le Chancelier de l’Etiquette volante
Quel plaisir de retrouver Daniel Habrekorn ! D’autant qu’il est ici en son jardin : la défense et illustration de l’œuvre de Léon Bloy. Sans son thuriféraire et créateur des éditions Thot, celui qui fut nommé « Le pachyderme », « Le rhinocéros ou encore « Le fou » ne bénéficierait sans doute pas de l’écho qu’il mérite largement.
Habrekorn prouve combien Bloy prit des risques, autant sur le fond que sur la forme. C’est cette dernière que l’exégète défend ici de la manière la plus alerte et explicite qui soit. L’essai est brillant, efficace et convainquant. « Fut-il poète ? » demande Habrekorn. Il répond de manière superbe rappelant que Bloy, réputé « premier polémiste de France », reste surtout « Chancelier de l’Etiquette volante, Prince de l’Image, Marquis du portrait, Duc de l’Aphorisme et autres raccourcis ». Qu’ajouter ? Tout est dit.
Celui qui se définissait comme « au premier rang dans l’ordre de la préséance de la Chute » jaillit dans les modulations de son cri. Si bien que le terme de pamphlétaire ne suffit pas à résumer. Dans les Douze filles d’Eugène Grasset il prouve combien il est capable d’une puissance surprenante de sérénité. Il est aussi un portraitiste rare capable en quelques mots de mettre à l’évidence des tics de comportements ou de langage.
Parlant dans La femme pauvre de Virginie Séchoir il écrit : « Elle avait cette espèce de prononciation rengorgées de certaines volailles qui ne cuisent bien qu’au bois vert ». Là encore qu’ajouter de plus ?
Quant aux aphorismes, c’est un florilège : ils donnent de superbes exemples de devises qui constituent selon Habrekorn « des gnomes du futur ». L’essai se prolonge par « un glossaire des mots rares » de l’œuvre. Le consulter est loin d’être superfétatoire. A lui seul, il donne plus qu’une idée de l’œuvre du visionnaire.
jean-paul gavard-perret
Daniel Habrekorn, Du style de Léon Bloy (suivi d’un glossaire de ses mots rares), Editions DMM, Potiers, 2018, 166 p . — 15,50 €.