Arbres de vie et graines de paroles
Sculpteur, William Laperrière est aussi poète. Il plonge dans le bouillon du monde et entre en symbiose avec lui à travers la nature. Il tente d’en préserver à la fois le sens et l’origine sans pour autant glisser en une poésie écologiste. La poésie est ou n’est pas. Et lorsqu’il lui faut un adjectif pour le définir, elle n’existe plus. Celle de Laperrière reste sur un fil entre néant et perfection (qui n’est pas de notre monde) ; fureur et silence. Le créateur cultive sa petite force intime. A l’écoute des « craquements sidéraux », elle permet de restituer à l’homme et à sa création leur position d’équilibriste.
Homme rupestre à sa manière, l’auteur sait comprendre ce qu’est la vie qu’on dit végétative ou végétale (en mélangeant les deux termes au besoin). Son écriture possède une qualité rare : elle est simple mais complexe et ne se contente pas des coucheries romantiques eu égard et trop souvent à la « nature » de la nature.
Laperrière œuvre ainsi dans une double route (poésie et art). Elle aspire à l’ailleurs ici-même, ici-bas à la recherche d’un sens en une langue qui, au lyrisme, préfère le constat. Celui de ce que l’homme est lorsqu’il s’arrime à la recherche du mystère existentiel. Toutefois, il ne s’agit pas de postuler un autre monde mais de creuser ici-même le chemin qui fait de l’homme l’être habité capable de monter au ciel par ce qu’exister veut dire
L’objectif est de rejoindre le vif et non le veuf ou l’inconsolé. Rechercher l’infini demande un autre effort que de contempler les cieux. Et si pour Laperrière « l’avenir est dans les œufs », il ne s’agit pas de celui de Ionesco qui étouffait le monde. C’est une manière de dire la perfection du Un, du Tout où « fermente une fusion vitale » par « la petite expansion intérieure ».
Bref, il ne faut pas chercher ailleurs ce qui n’est qu’en nous sinon à prendre les forêts pour ce qu’elles ne sont pas : l’ensemble d’arbres de vie du vide A qui connaît comme Laperrière le Platane, l’Erable, l’Acacia, le Pommier du Japon, Le Chêne comme le poirier, le Pommier, le Cerisier « du renouveau », le Sycomore ( l’artiste a soin d’écrire chaque arbre avec une majuscule), le chant des origines est repris à la racine pour le battement sourd de l’univers.
Il reste toujours pour l’homme à le réinterpréter afin de « modeler l’élastique des fatalités » non dans le désir de durer mais d’exister avec la même humilité et patience que l’arbre en sa majesté.
jean-paul gavard-perret
William Laperrière, La nature ne parle pas mais l’arbre, peut être & Le chant du grillon, 2018, 54 et 46 p. ; à commander à : wla.free.fr.