Proche de Bloy, Bernanos, Chesterton, l’auteur ne cesse de faire déboîter de positions assises. Non seulement il affirme que la résurrection des corps casse l’individualisme contemporain mais il affirme que le christianisme reste la plus haute exaltation de le vie terrestre. Le « corps glorieux » prend donc un sens particulier chez lui. Selon l’auteur, l’art de toutes les époques de l’ère chrétienne le prouve. Existent là des chants à la gloire de celui que l’auteur définit comme « le Dieu d’Israël dont la messe perpétue la présence adorable ». Sébastien Lapaque dissipe donc bien des pudibonderies et fait la nique aux catholiques qui cultivent un certain mépris de l’Incarnation .
Souvent accusé, plus à tort qu’à raison, pour ses ruptures, il met à mal les postures, détruit les impostures. Pour preuve, son amour envers Alger. Sans jamais oublier qu’il y est étranger, il reste emporté à travers la ville par un élan très fort. Sa Théorie d’Alger écrit avec intelligence à la fois distingue et unit. Au sein de ses déambulations, le flâneur des deux rives de la Méditerranée donne une vision en rien compatissante ou nostalgique.
Preuve que des penseurs dits « de droite » sont parfois plus ouverts dans leurs visions. Elles souffrent beaucoup moins d’ostracisme qu’il est de bon ton d’afficher lorsque sont évoqué les écrivains « fantassins ».
Renouant avec l’esprit de Camus, l’auteur offre aux lecteurs des émotions et des enivrements où tout se mêle entre les chants des oiseaux, le football et la musique dans un mixage de présent et de passé au sein d’une ville certes blessée, brouillonne mais émouvante. Alger reste donc pour Lapaque une ville emblématique, généreuse et pudique.
Existe là toute une philosophie du voyageur ailé face aux visions acquises et aux abstractions théoriques. L’ensemble est éloigné du platonisme comme des sectarismes religieux.
jean-paul gavard-perret
Sébastien Lapaque, Théorie d’Alger, Actes Sud, Aix en Provence, octobre 2016, 112 p. — 10,00 e.