Charles Dutine pour dire l’animal fait de ses nouvelles divers lieux tissés en soie naturelle sans pour autant oublier certains équarrissages : des carcasses pendent. Et si le rouge est une couleur chaude, il arrive qu’elle immerge en sa robe glacée un personnage. Dès lors, là où l’oxymore est fait d’une dualité, l’auteur plonge sa main où cela saigne, la remue pour sortir l’homme de son erreur suprême quant à l’animalité.
Existent là des traversées. Rousseauiste à sa manière, l’auteur fait sa marque de fabrique de l’amour des animaux et donne du monde une vision diffractée. Il ouvre des fenêtres, happe la lune de la nuit de l’être mangeur de carnes en diverses situations. L’hypocrisie anthropomorphique en prend pour son grade. Chaque nouvelle entraîne (par exemple, après une visite au salon de l’agriculture) un dégoût pour les morceaux persillés lorsqu’ils se mettent à « racornir sur les bords et crépiter au milieu des bulles de graisse ».
Dans leur ronflant grésillement, les viandes dites goûteuses perdent toute leur désirance. Il n’est d’animal bon que vivant. Un rapport sur notre condition d’omnivore est là sous nos yeux en ce qui fait la condition du même entre l’animal et son prédateur. Les deux se retrouvent en paix dans un dialogue au sein des arbres, des broussailles, des arbustes de l’aridité des collines plus que sur l’étal d’un boucher ou dans la rugosité noirâtre d’un barbecue aux herbes de Provence.
Le A d’animal devient celui de l’Aleph où un alphabet vital peut recommencer. Comme si le rapport initial à l’animal inscrivait un premier racisme qui en appelèrent bien d’autres.
jean-paul gavard-perret
Charles Dutine, Au regard des bêtes, Z editions, Les Nans, 2018, 90 p. — 14,00 €.