Giorgio Manganelli, Salons

Dide­rot n’a qu’à bien se tenir

Gior­gio Man­ga­nelli reste en France un auteur més­es­timé quoique fécond, voire pro­li­fique. En 1986, l’éditeur d’art Franco Maria Ricci sou­mit au regard de l’écrivain des pièces dis­pa­rates : taba­tières, tableaux, armoi­ries, verres pré­cieux, pho­to­gra­phies, masques, enseignes. Man­ga­nelli devait rebon­dir des­sus en écri­vant des proses. Elles deviennent des chro­niques de visites ima­gi­naires réunies sous le titre (et ce n’est pas ano­din) de « Salons ». L’éditeur vou­lait les insé­rer dans sa revue « FMR » (qui porta bien son nom).
Comme Dide­rot, l’artiste se fait cri­tique d’art sans se pré­oc­cu­per de ce que les spé­cia­listes ont pu écrire sur les œuvres dont il parle. Son livre est un modèle de la vati­ci­na­tion aimable, sub­tile, imper­ti­nente et drôle. Elle pousse incu­ra­ble­ment à aller voir ou revoir des œuvres peu ou mal connues.

Le cri­tique redonne à la pein­ture de Del­vaux tout son charme sul­fu­reux avec « l’irruption d’une âme qui coïn­cide avec une savante incli­nai­son vers le bas ». Il per­met de redé­cou­vrir Wins­low Jower, « maître d’un genre qui n’avait pas encore pensé à avoir ses maîtres ». Il devient le loca­taire péri­phé­rique de l’aquarelle qui tolère voire se délecte des « vices mineurs » que sont le joyeux et le gazouillant.
Quant à Rome qui, par ses repré­sen­ta­tions, est deve­nue « une mala­die de l’imagination ita­lienne », sous le tra­vail de Sci­pione Van­tu­nelli, elle est trai­tée par une mala­die aussi grande mais qui, igno­rant la gran­deur et le monu­men­tal, donne à la ville une « voca­tion au fra­gile, au minime ». Ce qu’elle perd en gran­deur, la ville le gagne en subtilité.

Manga­nelli pour­tant ne se prend pas pour un expert : il ne pré­tend même pas écrire mais « exé­cu­ter des gestes, des mou­ve­ments diver­se­ment ryth­més » : ils donnent au désordre du livre un charme incom­pa­rable. Jamais campé sur une estrade, l’auteur ne joue pas les pro­fes­seurs et ignore leur oiseuse emphase. Il pré­fère trans­for­mer chaque texte en un exer­cice d’idiotie par­fai­te­ment réfléchi.

jean-paul gavard-perret

Gior­gio Man­ga­nelli,  Salons, tra­duit de l’italien par Phi­lippe Di Meo, L’atelier Contem­po­rain, Stra­bourg, 2018, 160 p. — 20,00 €.

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