Gianliugi Maria Masucci, Inondations

Jonc­tions et conjonctions

Le pro­jet Inon­da­tions (tirés du pro­jet Fluire) est né lorsque l’artiste ita­lien a amé­nagé son ate­lier dans les anciennes fon­de­ries Kugler de Genève. Celui qui a mul­ti­plié les expé­riences en archi­tec­ture, théâtre et mul­ti­mé­dia, au cours de ses pro­me­nades près du lieu à la Jonc­tion (nom de l’avenue) entre l’Arve et le Rhône a contem­plé le métis­sage du bleu du fleuve par le gris de la rivière fran­çaise. Il reste hyp­no­tisé par de tels mixages et écou­le­ments qu’il filme et pho­to­gra­phie afin ensuite de les trans­crire sur la toile, sur le papier.
De l’observation de ce mélange à la réa­li­sa­tion d’un uni­vers de signes mul­ti­mé­dias, l’archive passe par le corps du créa­teur. Celui-ci met à nu le mou­ve­ment de flux continu par d’autres flux en dif­fé­rents champs d’expression d’où jaillit une « séman­tique du liquide » créa­trice d’une nou­velle écriture-matière.

L’oeuvre est donc pro­duc­trice par excel­lence de para­doxes. Elle ne refuse pas – ce qui serait trop som­maire mais hélas ! trop sou­vent exploité par des artistes à l’imaginaire exsangue – le « tableau ». Elle le remet en tra­vail et en fable incon­nue. Le dépôt de la sub­stance ima­geante lié à ceux des fleuves se trouve déplacé du côté de l’effluve, du souffle, de sa struc­ture sous-jacente.
Le lieu de la pein­ture ins­truit donc autant un retrait qu’une pré­sence. Il recrée le para­doxe dans la toile même d’un ici et d’un ailleurs, auquel l’article insuffle du temps mais aussi en le rete­nant. An temps pulsé des eaux répond le temps non pulsé de l’art en sa fixité.

Dès lors, le temps et l’espace sont de facto mani­pu­lés, démul­ti­pliés. Ce sont des com­po­si­tions d’ « ana­chro­nismes » (puisque l’eau ne s’arrête jamais) qui font de l’un comme de l’autre des contem­po­rains éloi­gnés, capables de recon­naître l’extrême vieillesse du pré­sent et la suprême jeu­nesse du passé. L’oeuvre reste un dépôt moins d’alluvions que de han­tises.
Que lui deman­der de plus ?

jean-paul gavard-perret

Gian­liugi Maria Masucci,  Inon­da­tions, Gale­rie Ana­lix Fore­ver, Genève, février 2018.

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Echos d'Italie / Echi dell'Italia

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>