Comment célébrer la messe
La liturgie, c’est-à-dire l’ensemble des gestes, des prières et des paroles qui structurent le culte, révèle la façon dont Dieu est adoré. C’est pourquoi sa nature, son contenu et la façon dont elle est ordonnée, ne peuvent être pris à la légère. Ils constituent même un des défis fondamentaux que le catholicisme doit relever en ce début de XXI° siècle.
On sait que la question liturgie déchire, depuis plus de quarante ans, l’Eglise catholique. Les réformes introduites par le Concile Vatican II ont ouvert une porte, très souvent en contradiction avec les textes des Pères conciliaires, sur des abus qui défigurent la messe catholique.
Bien avant d’être pape, le cardinal Ratzinger s’était intéressé de près à la question liturgique. Choqué par les délires auxquels prêtres et évêques s’adonnaient, il tenta, dans son livre L’esprit de la liturgie, de recadrer les choses.
Le livre très court que Mgr Guido Marini publie à son tour sur la liturgie (une soixantaine de pages) suit les pas de celui qui est devenu le pape Benoît XVI et dont il est, depuis 2007, le Maître des célébrations liturgiques. Il prend place dans l’intéressante collection des éditions Artège sur la liturgie.
Introduit par une belle préface de Mgr Centène, évêque de Vannes, qui rappelle que « la manière de prier révèle la façon de croire », le livre est construit autour de cinq chapitres. Il reprend les idées principales de Benoît XVI sur la liturgie, et semble s’adresser avant tout aux prêtres, dont beaucoup portent une responsabilité écrasante dans les désastres liturgiques actuels.
En réalité, les éléments que Mgr Marini met en avant devraient être des évidences et non pas des sujets de polémiques, et même de divisions, entre les catholiques. A propos de l’orientation du prêtre (face à l’assemblée, ou dos à elle), sans condamner la première, il insiste sur l’importance de l’orientation vers Dieu et sur sa visibilité, d’où la nécessité des crucifix sur l’autel dans le cas d’une messe face « au peuple », et sur la possibilité d’utiliser les anciens autels (quand ils ont survécu aux tables rases du passé…).
La liturgie doit rester le lieu de l’adoration de Dieu, d’où l’obligation de lui conserver toute « sa noblesse, sa beauté et son harmonie ». Quant à la fameuse participation active des fidèles, qui légitima abus et désordres, elle trouve en son cœur la prière, avant tout autre chose. Enfin, Mgr Marini consacre de très belles pages à la musique sacrée qui seule « favorise une authentique participation ». Mais laquelle ? Pour lui, il ne fait pas de doute qu’il s’agit de la langue latine, du chant grégorien, de la polyphonie sacrée, tous ses trésors que l’histoire nous a légués, et que l’Eglise elle-même a failli faire disparaître au profit de chants ineptes.
Le musicologue et historien de la musique Marcel Pérès, qui œuvre tant pour la sauvegarde de ce patrimoine, ne rappelle-t-il pas que « par la magie de la musique, la parole devient icône » ? (introduction au disque, Chants de l’Eglise de Rome, Ensemble organum, Zigzag éditions, 2008). Mais l’horizon ne doit pas s’arrêter à la composante religieuse de la liturgie car elle constitue une des multiples branches de l’art chrétien. A travers la liturgie, les catholiques ont bâti une civilisation. Leur civilisation. Et comme, Marcel Pérès le note avec regret : « malheureusement l’état actuel de la liturgie et de l’art catholique sont les symptômes flagrants de la faiblesse du modèle de civilisation que les catholiques ont à proposer au monde. » (« Reconstruire une mémoire liturgique », entretien de Marcel Pérès à la revue La Nef, n°183, juin 2007).
Mgr Marini ne s’interroge guère sur les raisons de la crise liturgique, se contentant d’évoquer une « idéologie hors de propos », autrement dit le marxisme. C’est tout à fait exact. Du passé, faisons table rase ! Mais ne faut-il pas y voir aussi l’un des effets de la tentation protestante qui saisit une partie de l’Eglise conciliaire dans les années 1960–1970 ?
En clair, Mgr Marini rappelle que la messe n’est pas, ne doit être, et ne peut pas être un espace de créativité entre les mains des hommes parce que la liturgie est un « don de Dieu » et que l’Eglise est fondée sur la Tradition, c’est-à-dire sur la transmission d’un héritage. La messe dite Paul VI, malgré certains aspects, y trouve toute sa place à condition d’être respectée. Ce livre offre un rapide mais très clair aperçu des enjeux de la question liturgique. Espérons que les prêtres et les évêques seront nombreux à le lire et à le méditer.
f. le moal
Guido Marini, La liturgie. Mystère du salut, Perpignan, Artège, décembre 2010, 68 p.- 6,90 € |
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