Richard Rognet, poursuit son voyage intérieur dans les méandres du monde sous la protection ou le risque des mouvements que celui –cilui oppose. Il en va du fouet comme de la caresse. Mais l’une peut cacher l’autre et vice-versa. Dans le souffle du temps, le vide et le trop-plein créent parfois des illusions aussi kinesthésiques que mentales. Et le travail de mémoire nourrit forcément ce mouvement sensoriel et en conséquence une réflexion sur le temps qui, par son souffle, délite.
Il est vrai qu’avec son passage la caresse change sinon de main ou de visage du moins de « valeur » : elle n’est ni meilleure, ni pire. Plus sage peut-être lorsque l’automne arrive. Là où, plus que jamais, la femme permet de retenir les hommes pour qu’ils se reconnaissent encore tels qu’ils furent, sont ou croient l’être. La dialectique présence-absence chère à Rognet demeure. C’est la racine de sa quête avec un parti pris de récurrences pour s’arrimer à ce qui arrive dans de nouveaux frôlements. Ils séduisent le poète mais viennent d’un ailleurs qui ne lui appartient plus.
Souvent ils sont le souffle infidèle des autrefois mais Rognet et ses semblables les rendent vivants en agitant le chaud et le froid. Le chaud surtout car il s’agit de gonfler les voiles du temps d’un sirocco qui survivra sans coup férir à l’être. Après avoir tourné en rond dans ses mots et ses saisons, celui-ci ne sentira plus son haleine brûlante. Manière d’en finir avec les vieilles souffrances les présences nocturnes et le chagrin qui rôde et ce qui restera immuable après lui : après leur mort, les feuilles des platanes renaîtront caressées par la bise et le matin s’élancera en mouvement de joie.
En attendant, le texte vagabonde au gré du vent, au sein d’une existence qui commença en une impasse où l’auteur refit les cents pas. Mais ici le monde s’assemble en ce qu’il recèle de plus impalpable. La fixité brusquement se renverse, déborde et rappelle que la vérité est un souffle. Mais un souffle vital plus qu’une inspiration venue de dieux redoutables ou inventés pour caresser la surface des âmes.
jean-paul gavard-perret
Richard Rognet, Les frôlements infinis du monde, Gallimard, coll. Blanche, 2018.