Gérard Haller, Le grand unique sentiment

La mue

Gérard Hal­ler à tra­vers trois pein­tures et trois poèmes approche la même scène : « Tout est là, regarde » dit-elle à l’ange nu, « il n’y a rien de l’autre côté de la lumière”. Puisque d’une cer­taine manière il n’existe plus d’ombre sur Vénus. Elle est même reti­rée – en dépit de sa nudité – à l’interprétation culpa­bi­li­sante que l’homme a fait por­ter à Eve. Si bien que La nuit sexuelle  de Qui­gnard trouve là une assomp­tion dans laquelle l’ « exci­tare » latin n’appartient plus à une scène de chasse. A l’incantation du poète répond celle de l’aimée. Elle rap­pelle que tout le divin est dans sa tendre glaise.
D’où non ce jeu mais la valse d’hésitation face à ce qui sidère et épou­vante les amants — non à cause du risque mais par ce que le saut dans l’amour pro­voque. Ici, le sexuel n’est écrit ni au pré­sent, ni au passé mais au futur. Le désir est déjà habité de la scène qu’il appelle. Pour autant, cette approche intime et com­mune ren­voie l’être à la nuit pre­mière d’avant les mots et les images.

Restent  les mots d’appel et d’adoration. De récon­fort aussi. Dans le deux un « viens » se char­pente Et chaque fois, c’est deman­der l’impossible du ciel sans un recours à dieu en ce voyage à l’étranger du désir et son séisme, ce désir qui hait la jouis­sance parce qu’elle annonce une fin (pro­vi­soire mais fin tout de même) et que le désir est reporté sinon aux calendes grecques du moins à une vacance.
Mais, pour l’heure, tout est de l’ordre de cette lumière qui paraît attendre. « On ne sait pas. Le geste, le mot de nous qu’il faut pour com­men­cer ». D’où cette ten­sion, cette peur et ce « tu veux » qui reste une inter­ro­ga­tion plus qu’un ordre. Nue, « reve­nue on dirait de l’autre bord du temps et s’avançant comme ça au bord nu de l’image », la femme impose son regarde comme la Mme Edwarda de Bataille. Mais ici l’ordre de l’intime rem­place le bor­del. Et ce qui va naître de l’étreinte est de l’ordre du par­tage au moment où l’image reçoit déjà le nom de volupté.

jean-paul gavard-perret

Gérard Hal­ler, Le grand unique sen­ti­ment, Gali­lée, 2018, 106 p. — 15,00 €.

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