Elise Senyarich : sans peur et sans repère
Elise Senyarich, arpenteuse des monts de Corbières et d’ailleurs et des villes andalouses ou françaises, est toujours mobile. A l’image de son œuvre pluridisciplinaire et drôle. Le dessin s’y taille la meilleure part mais loin de tout apprêt. On comprend pourquoi l’éditeur Richard Meier en a fait une de ses figures de proue.
Il a trouvé en elle une sœur, un flocon, une perle pour affronter le mystère du dessin dont le plaisir n’est jamais puritain sauf aux tristes spadassins. Ce qui n’est pas le cas de celle que les latins auraient nommé Lycisca – à savoir la petite louve qui hante les hivers blancs. Elle s’y fait voyeuse non des paysages (ton sur ton, à savoir blanc sur blanc n’a jamais donné grand chose en art sauf chez Malevitch) mais dans la clôture de maisons qui n’ont rien de closes.
L’artiste y crée un journal de saisons avec au besoin beaucoup de salade. Le dessin devient spasme, coup de sang, pense-bête pas bête avec poisson dans le bocal qu’il faut rentrer afin qu’il ne gèle pas dans la nuit froide. Par des éléments épars et disjoints, ce dessin est parfois une biffure et n’habite pas forcément le lit impérial de la page. Mais il lui arrive parfois néanmoins de le remplir à satiété en se glissant entre les draps blancs du papier.
Mais Elise Senyarich reste libre, l’hiver blanc peut devenir prétexte à des descentes comme à des remontées. Il y a des aventures sans aucune prudence, ou vite oubliées. Elles sont irrégulières de formes sur les falaises escarpées du livre de brouillon où la neige en bouillon de culture se brûle elle-même les pieds.
Et c’est ainsi que tous les jours consacrés à l’hiver — et plutôt que de proposer des processions solennelles -, la princesse cultive son langage libre de tout Liber Pater. Sur la toge virile de la neige qui recouvre les monts, elle crée des stimulateurs cardiaques dont le swing dionysiaque n’a rien d’obscène. L’orgie est d’une autre nature : celle du dessin lui-même.
jean-paul gavard-perret
Elise Senyarich, Hiver Blanc – Grenade ensalade, Richard Meier éditeur, coll. Livre de Brouillon, Richard Meier éditeur, 2017 — 22,00 €.