Plus que jamais, avec Le temps imaginaire, l’univers de Pierre et Gille est rempli de sucs et de parfums. La jouissance des personnages adolescents reste encore à venir mais elle semble déjà plus vaste que leur corps par les mises en scène à la fois réaliste et baroque des deux artistes. Les barrières ne sont pas encore franchies mais les limites s’abaissent : c’est comme le vent qui précède le feu, et qui dévore au-delà du souffle par la folie des couleurs.
Est-ce le même ou l’autre qui est l’objet des désirs ? Qu’importe. L’espace, grave et ludique; évoque l’incendie. Tout se touche. Bien sûr avec les mains mais les corps sont prêts à flamber pour se consumer entièrement sous le bleu technicolor du ciel et l’asphalte rouge de ferveur inapaisée.
Le temps imaginaire devient ou redevient celui des commencements où la braise enveloppe le corps de son manteau. Le désir brûle. Mais presque innocemment (le “presque” reste toutefois important). Et lorsque les deux artistes s’approchent de l’âge des cendres, rien de tel pour vivifier leur œuvre que de réactiver le brasier des amours enfantines.
Qu’importe si elles ne sont pas fléchées : il existe dans la luxuriance des couleurs et le kitsch poétique le kirsch du jour face à l’eau noire des nuits.
jean-paul gavard-perret
Pierre et Gilles, Le temps imaginaire, Templon, Paris, du 13 janvier au 10 mars 2018.