Philippe Chenaux, L’Eglise catholique et le communisme en Europe (1917–1989) — De Lénine à Jean-Paul II

Entre lutte et compromission

L’Eglise catho­lique et le com­mu­nisme, enne­mis jurés et déter­mi­nés ? Ce n’est pas si sûr, sur­tout après la lec­ture du livre de Phi­lippe Che­naux, his­to­rien reconnu du catho­li­cisme.
L
e livre com­mence logi­que­ment par la Révo­lu­tion bol­che­vique de 1917 et pose d’emblée un cer­tain nombre de pro­blèmes : l’hostilité à l’égard des mou­ve­ments révo­lu­tion­naires, héri­tée de la Révo­lu­tion fran­çaise ; les débats à l’intérieur de l’Eglise sur l’influence des juifs dans les cercles révo­lu­tion­naires socia­listes et la poli­tique concor­da­taire héri­tée du pon­ti­fi­cat de Pie VII et qui pousse le Saint-Siège à trou­ver des ter­rains d’entente juri­dique avec les Etats, sans pour autant recon­naître leur légi­ti­mité idéologique.

Philippe Che­naux remet en cause une idée reçue. En 1917, le Saint-Siège ne voit pas d’un œil défa­vo­rable les révo­lu­tions qui secouent la Rus­sie. Bien au contraire, il se féli­cite de la dis­pa­ri­tion du pou­voir auto­cra­tique dans lequel l’orthodoxie héré­tique pui­sait sa force. Une for­mi­dable oppor­tu­nité de conver­sion s’ouvre alors et l’Eglise catho­lique met tout en œuvre pour répandre le catho­li­cisme dans les masses russes. Très vite aussi des dis­cus­sions s’engagent avec Mos­cou afin de par­ve­nir à un concor­dat auquel Pie XI est très atta­ché. Tous les détails de ces négo­cia­tions sont très bien retrans­crits, et déjà émerge la per­sonne incon­tour­nable de Mgr Pacelli, nonce à Munich, puis à Ber­lin, qui mène ces dis­cus­sions.
A
près leur échec à la fin des années 1920, et la radi­ca­li­sa­tion du pou­voir sovié­tique, on entre dans la période du com­bat, dur, impla­cable, et la dénon­cia­tion intran­si­geante d’une idéo­lo­gie anti­chré­tienne. Le com­bat atteint son apo­gée avec la publi­ca­tion en mars 1937 de l’encyclique Divini redemp­to­ris, conco­mi­tante à celle contre le national-socialisme (Mit bren­nen­der Sorge)

Le livre apporte de très nom­breuses et utiles infor­ma­tions sur Pie XII, et sur son atti­tude pen­dant la Seconde Guerre mon­diale. L’auteur trace le por­trait d’un pon­tife dont l’anticommunisme vis­cé­ral ne l’a jamais conduit à se mon­trer favo­rable à l’Allemagne hit­lé­rienne, contrai­re­ment aux affir­ma­tions des thèses actuelles.
L
es jeunes géné­ra­tions ont oublié la force qu’a repré­senté le com­mu­nisme, sa capa­cité d’attraction sur les masses et sur les intel­lec­tuels. Et l’étude de Phi­lippe Che­naux montre à quel point le monde catho­lique, et plus spé­ci­fi­que­ment en France, a été attiré et même fas­ciné par une idéo­lo­gie pour­tant cri­mi­nelle. Innom­brables ont été ceux, dans les cou­rants dits pro­gres­sistes, à pous­ser l’Eglise et sa hié­rar­chie à col­la­bo­rer avec les forces com­mu­nistes pour l’édification d’un monde plus juste. Après le pon­ti­fi­cat de Pie XII, mar­qué par de nom­breuses condam­na­tions des dérives (les prêtres ouvriers, les diverses revues moder­nistes, cer­tains ecclé­sias­tiques), l’avènement de Jean XXIII marque un tour­nant, confirmé par Paul VI.

Dans l’ambiance extra­or­di­nai­re­ment pas­sion­née du Concile Vati­can II, l’Eglise adopte une atti­tude beau­coup plus modé­rée, sous la pres­sion des groupes pro­gres­sistes mais aussi pour ten­ter d’instaurer un dia­logue avec les Etats com­mu­nistes et ainsi pro­té­ger les chré­tiens des répres­sions (comme Pie XI et Pie XII ont tenté de le faire avec l’Allemagne nazie dans les années 1930). Il y a bien eu, dans le cadre de la Détente, une ost­po­li­tik incar­née par Mgr Casa­roli.
I
l faut attendre la radi­ca­li­sa­tion des rela­tions inter­na­tio­nales, à la fin des années 1970, pour voir un nou­veau tour­nant s’opérer. Phi­lippe Che­naux aurait peut-être dû plus insis­ter sur le contexte inter­na­tio­nal de cette époque, sur le contexte l’élection de Jean-Paul II, conco­mit­tante au mou­ve­ment géné­ral qui porte au pou­voir That­cher et Rea­gan et qui redonne de la vigueur au monde occi­den­tal dans sa lutte contre le com­mu­nisme. Avec l’arrivée sur le trône de Saint-Pierre d’un car­di­nal venu de l’Est et bon connais­seur du com­mu­nisme, l’Eglise repart à l’offensive.

Mais il est vrai que de très nom­breux élé­ments sont encore à décou­vrir et à ana­ly­ser sur cette période. La lec­ture du livre de Phi­lippe Che­naux est indis­pen­sable pour com­prendre cette période, ouverte par Octobre 1917, pen­dant laquelle le com­mu­nisme brilla de tous ses feux, y com­pris au sein de l’Eglise du Christ.

f. le moal

   
 

Phi­lippe Che­naux, L’Eglise catho­lique et le com­mu­nisme en Europe (1917–1989) — De Lénine à Jean-Paul II, coll. “His­toire”, Cerf, octobre 2009, 383 p. — 30,00 €

1 Comment

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One Response to Philippe Chenaux, L’Eglise catholique et le communisme en Europe (1917–1989) — De Lénine à Jean-Paul II

  1. Père Martin

    Paix et Joie du Christ. je suis Mar­tin; pretre. je vou­lais si pos­sible entrer en contact avec Phi­lippe Che­naux soit par mail ou par Télé­phone. Pou­vez vous m’aider. Merci

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