Entre lutte et compromission
L’Eglise catholique et le communisme, ennemis jurés et déterminés ? Ce n’est pas si sûr, surtout après la lecture du livre de Philippe Chenaux, historien reconnu du catholicisme.
Le livre commence logiquement par la Révolution bolchevique de 1917 et pose d’emblée un certain nombre de problèmes : l’hostilité à l’égard des mouvements révolutionnaires, héritée de la Révolution française ; les débats à l’intérieur de l’Eglise sur l’influence des juifs dans les cercles révolutionnaires socialistes et la politique concordataire héritée du pontificat de Pie VII et qui pousse le Saint-Siège à trouver des terrains d’entente juridique avec les Etats, sans pour autant reconnaître leur légitimité idéologique.
Philippe Chenaux remet en cause une idée reçue. En 1917, le Saint-Siège ne voit pas d’un œil défavorable les révolutions qui secouent la Russie. Bien au contraire, il se félicite de la disparition du pouvoir autocratique dans lequel l’orthodoxie hérétique puisait sa force. Une formidable opportunité de conversion s’ouvre alors et l’Eglise catholique met tout en œuvre pour répandre le catholicisme dans les masses russes. Très vite aussi des discussions s’engagent avec Moscou afin de parvenir à un concordat auquel Pie XI est très attaché. Tous les détails de ces négociations sont très bien retranscrits, et déjà émerge la personne incontournable de Mgr Pacelli, nonce à Munich, puis à Berlin, qui mène ces discussions.
Après leur échec à la fin des années 1920, et la radicalisation du pouvoir soviétique, on entre dans la période du combat, dur, implacable, et la dénonciation intransigeante d’une idéologie antichrétienne. Le combat atteint son apogée avec la publication en mars 1937 de l’encyclique Divini redemptoris, concomitante à celle contre le national-socialisme (Mit brennender Sorge)
Le livre apporte de très nombreuses et utiles informations sur Pie XII, et sur son attitude pendant la Seconde Guerre mondiale. L’auteur trace le portrait d’un pontife dont l’anticommunisme viscéral ne l’a jamais conduit à se montrer favorable à l’Allemagne hitlérienne, contrairement aux affirmations des thèses actuelles.
Les jeunes générations ont oublié la force qu’a représenté le communisme, sa capacité d’attraction sur les masses et sur les intellectuels. Et l’étude de Philippe Chenaux montre à quel point le monde catholique, et plus spécifiquement en France, a été attiré et même fasciné par une idéologie pourtant criminelle. Innombrables ont été ceux, dans les courants dits progressistes, à pousser l’Eglise et sa hiérarchie à collaborer avec les forces communistes pour l’édification d’un monde plus juste. Après le pontificat de Pie XII, marqué par de nombreuses condamnations des dérives (les prêtres ouvriers, les diverses revues modernistes, certains ecclésiastiques), l’avènement de Jean XXIII marque un tournant, confirmé par Paul VI.
Dans l’ambiance extraordinairement passionnée du Concile Vatican II, l’Eglise adopte une attitude beaucoup plus modérée, sous la pression des groupes progressistes mais aussi pour tenter d’instaurer un dialogue avec les Etats communistes et ainsi protéger les chrétiens des répressions (comme Pie XI et Pie XII ont tenté de le faire avec l’Allemagne nazie dans les années 1930). Il y a bien eu, dans le cadre de la Détente, une ostpolitik incarnée par Mgr Casaroli.
Il faut attendre la radicalisation des relations internationales, à la fin des années 1970, pour voir un nouveau tournant s’opérer. Philippe Chenaux aurait peut-être dû plus insister sur le contexte international de cette époque, sur le contexte l’élection de Jean-Paul II, concomittante au mouvement général qui porte au pouvoir Thatcher et Reagan et qui redonne de la vigueur au monde occidental dans sa lutte contre le communisme. Avec l’arrivée sur le trône de Saint-Pierre d’un cardinal venu de l’Est et bon connaisseur du communisme, l’Eglise repart à l’offensive.
Mais il est vrai que de très nombreux éléments sont encore à découvrir et à analyser sur cette période. La lecture du livre de Philippe Chenaux est indispensable pour comprendre cette période, ouverte par Octobre 1917, pendant laquelle le communisme brilla de tous ses feux, y compris au sein de l’Eglise du Christ.
f. le moal
Philippe Chenaux, L’Eglise catholique et le communisme en Europe (1917–1989) — De Lénine à Jean-Paul II, coll. “Histoire”, Cerf, octobre 2009, 383 p. — 30,00 € |
||
Paix et Joie du Christ. je suis Martin; pretre. je voulais si possible entrer en contact avec Philippe Chenaux soit par mail ou par Téléphone. Pouvez vous m’aider. Merci