Il existe chez Paolo Roversi la tentation (désespérée ?) de toucher par le corps de la femme et par un travail expérimental le « pur » portrait et la conquête de l’ineffable. Le photographe de mode est à ce titre un créateur : dans les neuf salles de l’exposition Storie l’artiste présente les différents aspects de son travail en passant de ce qu’il nomme ses « travaux introspectifs » aux portraits, aux nus et bien sûr à ses clichés de haute couture.
Avec Incontri le propos est différent. Chaque prise est la suite d’une rencontre d’un sujet avec le photographe parfois en en collaboration avec Robert Frank sous forme de photographies uniques mais aussi de diptyques et triptyques.
Maître de la lumière, Roversi rappelle que sa maîtrise n’est pas « une question de logique ou de mathématique. C’est une affaire de sentiments et de ressenti. » Il s’appuie toujours sur une technique précise mais il sait qu’une « bonne» photo est sinon le fruit du hasard du moins de la capacité à anticiper d’une seconde à peine le moment idéal. Utilisant le Polaroid depuis les années 1980, il l’apprécie pour « sa couleur unique et ses contrastes » et cela reste pour lui sa « propre palette. La photographie numérique ».
Un tel choix, s’il nécessite beaucoup de technique permet de laisser la place à la liberté de l’imaginaire là où l’acte de prendre les photos se traduit en « par un double miroir, où le photographe et le sujet se reflètent mutuellement. » L’auteur parvient toujours par ce biais à la création d’œuvres aussi nettes que vaporeuses et précieuses, propres à suggérer une certaine rêverie immatérielle, cotonneuse.
Pour atteindre ce résultat, le choix du mannequin ou de la personne à photographier n’est pas anodin. Une femme qui rayonne transmet au photographe son aura. A lui d’y ajouter sa propre vision.
jean-paul gavard-perret
Paolo Roversi, Storie, Vogue Italia et Comune di Milano — Cultura, Palazzo Reale.
Catalogue : Skira Editore, Milan, 2017.