Mathilde Marc permet de croire à un au-delà de l’image où la question d’un dialogue aveugle est appelée. Il est mis en tension tout autant par la forme que le fond au moment où l’image donne libre cours à une interrogation. Entre saine méfiance et juste confiance, cette série initiée — par un arrêt sur image d’un instant qui a toujours fasciné la créatrice — met en exergue le regard hors cadre déclenché par la fin d’une étreinte.
L’image propose soudain une histoire troublante : à celle qui est représentée se superpose une autre que le spectateur peut imaginer à partir du regard de l’héroïne au moment où il se dirige hors cadre. Bien des “projections” sont alors envisageables au moment où un amour manque à l’amour et où émerge un vague à l’âme. Le visage propose alors un effet retard ou une anticipation chez celle qui voudrait peut-être comprendre les hommes si poreux à ses abandons et les histoires qu’ils ont laissées en elle.
Soudain, tout vaque en un cheminement chargé d’incertitude. Existent peut-être l’ironie, la douceur, le regret, la gravité bien sûr ou un secret plus enfoui. Nul pathos pour autant : un courant sourd avance avec ses remous. Il s’agit de pénétrer la chair de l’image, se nicher dans la tourbière de l’existence. L’au-delà de l’image entretient un mystère avec cette question à travers le regard de celle qui est modèle ou passeuse.
La photographie rend le spectateur captif d’une histoire qui n’est pas la sienne. Le regardeur n’assiste plus seulement au récit d’une autre, à la vie des autres : il la nourrit des ses interprétations. Les frontières se délitent doucement entre ce qui devait être certain et ce qu’un tel « regard caméra » engendre. L’artiste permet de préserver le réalisme de la narration et « contre permettre » un réalisme d’une tout autre nature.
jean-paul gavard-perret
Mathilde Marc, Les étreintes (exposition), Fringe Gallery, Octobre 2017, 106 rue de Turenne, 75003 Paris.