Il y a sans doute bien des moyens d’aborder l’intime de la peinture, d’entrer dans ce qui en “sort”. Dezeuze n’a cessé de l’interroger et de l’ouvrir à un “obscène” particulier qui ne peut plus satisfaire le voyeur. Il vient au contraire lui offrir une sorte de trompe-l’oeil. L œuvre pense la topologie de l’être au-delà de tout principe de représentation au sein de ses séries de « décadrages ». Paradoxalement, il provoque une étrange parousie de l’art en renonçant au principe qu’ Heidegger demandait à l’art : “ faire voir à partir de l’être même ce qui se montre de lui-même ”. Dezeuze découvre se qui est couvert et couvre ce qui habituellement est à nu.
Chaque œuvre de l’artiste nous fait face comme une bulle qui boursoufle la surface du support ou lui fait faire volte-face afin de proposer l’épreuve d’une rupture du sens idéal de la figuration occidentale. On se souvient par exemple de ses Peintures qui perlent (Galerie Daniel Templon). Débordant du cadre rigide de la toile et de la névrose obsessionnelle, il les rejoue désormais à l’intérieur en mettant l’accent sur un jeu de carrés qui avivent le regard. Celui-ci passe et repasse à travers des trames presque vides pour les nourrir.
Mais il y plus dans son œuvre et c’est ce que nous confirment ses textes et ses entretiens. Dans la littéralité de l’image, Dezeuze fait désormais de ses figures géométriques — agrémentées d’autres figures elles aussi géométriques mais plus colorées et plus petites qui viennent se déposer comme des papillons sur la trame majeure — des “enclencheurs”. Ils font suite à ces dessins et ses montages antérieurs. L’effet captivant est comme rejeté : le regardeur ne perçoit qu’une absence, qu’un vide dont il ne saura rien, dont il est exclu.
Emerge une dérive de l’effet de réel mais aussi une dérive de l’image au seuil de sa proximité. Le regard est en conséquence saisi par des creux et des vides qui habitent le support et ce, depuis le début de sa quête. De la sorte, un étrange maillage retient : le visiteur est devant — non dedans -, à la charnière d’une complexité. Elle n’est plus une simple aire de jeu mais engagement qui ne néglige en rien un certain charme agissant.
jean-paul gavard-perret
Daniel Dezeuze, Une rétrospective, Musée de Grenoble, du 28 octobre 2017 au 28 janvier 2018.