Hervé Le Tellier, Les Amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable

La com­plai­sance du paon

Les édi­tions du Cas­tor Astral réédite 20 ans après la publi­ca­tion ori­gi­nale  Les Amné­siques n’ont rien vécu d’inoubliable. Sous forme plus ou moins d’aphorismes se suc­cèdent des réponses qui se veulent déso­pi­lantes à la ques­tion: « À quoi tu penses ? ». Le Tel­lier fait le malin et le mâlin. Mais n’est pas Des­proges qui veut. Qu’on en juge par ces deux exemples : « Je pense que je suis inca­pable de résis­ter à une femme à qui je plais, et je m’en moque d’être un type facile » et « Je pense qu’une des rai­sons pour les­quelles je n’ai jamais sauté d’un pont à l’élastique, c’est que j’ai peur de pis­ser de trouille, et d’être à l’envers à ce moment-là ».
Tout cela ne vole pas très haut. Quant à assu­rer qu’il s’agit de pen­sées — même en rien défi­ni­tives -, l’auteur est opti­miste. En dépit de la fac­ture ramas­sée des réponses le texte fatigue. Ne s’y sentent que trop peu les petits muscles chauds du langage.

Le lec­teur patauge dans un brouet tié­dasse. La seule poé­sie du texte tient à son beau titre. Hors lui point de port salut. Bref, pas de quoi en faire un fro­mage. L’auteur se fait bûche­ron labo­rieux avec ses plai­san­te­ries de der­rière des fagots. L’Oulipo devient une suc­cur­sale de l’almanach Ver­mot. Le Tel­lier a beau esti­mer « qu’en rou­lant sur l’autoroute, on aper­çoit de très jolis châ­teaux, où l’on aime­rait bien habi­ter. Et puis on se rap­pelle qu’ils sont près de l’autoroute » ou encore « puisque désor­mais une per­sonne sur deux que je croise est plus jeune que moi, c’est que je dois être par­venu à la moi­tié de ma vie », cela ne tient pas la route ni même la fête à nœud-nœud défait.
Le seul point de luci­dité appa­raît lorsqu’il écrit : « je pense que je n’ai pas beau­coup d’imagination. » A l’impossible nul n’est tenu. Mais tout compte fait le livre est repo­sant : il n’est plus néces­saire de se deman­der ici si l’étincelle vient de l’enclume ou du mar­teau : l’humour ne connaît pas la forge mais le cime­tière. Espé­rons que les amants qui s’y pro­mènent s’y rai­dissent quelque peu.

jean-paul gavard-perret

Hervé Le Tel­lier,  Les Amné­siques n’ont rien vécu d’inoubliable, Le Cas­tor Astral, 2017, 208 p. - 9,90 €.

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Filed under On jette !, Poésie

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