Daniel Biga, Octobre

Baga­telles de choses mortes

Daniel Biga n’a jamais coupé sa vie de l’écriture. Né à Nice en 1940, il y découvre l’art et la poé­sie, mul­ti­plie les petits métiers, peint, expose et publie en autoé­di­tion son pre­mier recueil, Oiseaux Mohi­cans, qui lui don­nera le titre de « poète de soixante-huit ». Et l’auteur de rap­pe­ler iro­ni­que­ment ce titre dans  Détache-toi de ton cadavre  (Tara­buste, 1998) où il se défi­nit comme un « vieil anti-poète bite-nique/ beat and nick and fuck jusqu’à son der­nier râle/ impos­teur je fus suis serai/ (seul l’imposteur est à sa place) ».
Il fait paraître en 1971 chez P-J Oswald, Octobre, son jour­nal écrit en 1968. Il était alors un jeune pro­fes­seur plus ou moins beat-generation en dérive. A l’époque, ce texte fut une révé­la­tion et ce texte per­met de par­faire sa répu­ta­tion et sa légende au sein d’une forme de mar­gi­na­lité et de révé­la­tion du sexe en tant qu’énergie vitale dans la droite ligne de Reich bien oublié aujourd’hui.

Dans ce jour­nal, le rap­port aux mots se veut en oppo­si­tion aux normes et aux pra­tiques sociales. Le poète sut y cas­ser bien des bar­rières et fut très vite reconnu par des artistes et auteurs dif­fé­rents, de Ben à Jean Bre­ton, d’Ernest Pignon Ernest à Frank Venaille, de Valé­rie Rou­zeau à Antoine Emaz séduits par la fraî­cheur de l’informe de l’intranquillité des vies écra­bouillées sous les fureurs de pou­voirs que l’auteur savait revoir et cor­ri­ger.
Le poète est atta­chant tout comme Au cou­rant des ans, du livre reste plus l’eau blanche des les­sives que le rose cobalt et le jus acide exa­cer­bant de ce qu’il repré­senta. Il est désor­mais baga­telles de choses mortes et non de vie pro­fonde Le slam (entre autres) est passé par là et l’auteur est devenu un sobre sculp­teur dra­ma­tique. Sa révo­lu­tion d’ « Octobre » est pas­sée — ce qui n’enlève en rien l’importance que le livre — devenu quasi allé­go­rique — put repré­sen­ter à son époque.

jean-paul gavard-perret

Daniel Biga,  Octobre  (réédi­tion pré­fa­cée par Valé­rie Rou­zeau, sui­vie d’un entre­tien avec l’auteur), Edi­tions Unes, Nice, 2017.

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