Kamo se définit non comme artiste mais graffeur et révolutionnaire. Ce qui le motive renvoie à la violence dans lequel le monde se noie. Pour lui, le vrai graffeur crée des actes militants porteurs de messages politiques au sens très large du terme. Longtemps Kamo a privilégié la production et la quantité à la qualité. Mais peu à peu l’artiste (et après 5 ans de réflexion) devient un peintre. Il accepte d’exposer en galerie moins pour satisfaire son ego que pour venir à bout de la frustration qu’il éprouvait face à des artistes sortis de l’ENSBA ou d’ailleurs et qui s’emparent des codes du graffiti sans en accepter et comprendre l’esprit, le sens, la portée. Face à ceux qui jouent de l’esthétisme de l’urbain, l’artiste a accepté de franchir ce cap pour montrer la vérité d’une pratique suburbaine.
Kamo y baigne depuis 1995. Peu à peu, il a gagné en conviction. Il sait que les « vandales » du monde moderne ont plus de légitimité que ceux qui se servent d’une esthétique sans en accepter le jeu. Lui, à l’inverse, l’accepte. Collective au départ, son ambition ne se réduit pas au fil du temps à la peau de chagrin de l’ego. A titre d’exemple, il partage ses prochaines affiches avec un autre graffleur (Flo) et le photographe Guillaume S Plisson. D’où ce nouveau « pas du pas » afin de donner la part qui lui revient à la culture militante suburbaine. Ce nouvel «écart » permet au créateur de ne plus avoir à se battre contre les moulins à vent des diverses juridictions de caciques.
Œuvres de Kamo : Galerie Audet, Colmar.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Pouvoir honorer mon rôle le père dans le souci de construire le futur.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je n’en ai jamais eu sinon l’univers de la glisse. J’ai réussi à y accéder : je suis donc allé au bout d’un de ces rêves.
A quoi avez-vous renoncé ?
La vie est faite de sacrifices. Il faut savoir les oser.
D’où venez-vous ?
D’une famille modeste mais je n’ai manqué de rien hormis l’amour qui m’a rapproché de l’univers de la rue (skate, graffiti).
Qu’avez-vous reçu en dot ?
La richesse de l’échange. Elle le reste au quotidien.
Où et comment travaillez-vous ?
Le jour et la nuit. Et de manière un peu schizophrénique. L’identité nocturne du graffeur doit demeurer cachée.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Le plaisir des moments avec mes enfants et ceux de solitude sur la route (pour mon travail) afin de réfléchir et me remettre en question.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres graffeurs ?
On a tous quelque chose à revendiquer. Chacun son style, son univers.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Je ne sais pas.
Et votre première lecture ?
Des magazines sur les cultures suburbaines ou le sport.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Le rap français dans lequel il y a un réel contenu.
Quel film vous fait pleurer ?
Tous les films avec de l’émotion.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Moi.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
New York, Paris (pour le graffiti) , La Nouvelle Zélande, la Californie (pour la glisse).
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Ceux qui sont authentiques, engagés, déterminés. Bons ou mauvais qu’importe. Qui est-on pour juger ? Il y a des poètes partout, chacun à sa part de créativité pour peu qu’elle ne soit pas assassinée.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
C’est trop technique pour moi
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Intéressante, cette réponse.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
C’est bon comme ça.
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 28 septembre 2017.