Dans les premières années du siècle dernier, l’arrière-grand-père de Robert Bober voulut émigrer aux Etats-Unis pour préparer l’exil de sa famille restée en Pologne. Refoulé devant New York, à Ellis Island, il s’installa avec sa famille à Vienne – l’existence pour les Juifs y était moins dure qu’en Pologne. Il mourut en 1929 avant le tsunami nazi. Ce grand-père ferblantier ne côtoya sans doute que fortuitement les intellectuels et artistes qui firent du Vienne de l’époque un des creusets qui éclairèrent le monde.
Mais, grâce à lui, l’auteur et cinéaste fait retour sur une page de culture et de d’histoire.
Robert Bober reste imprégné de la culture Mittle-Europa et il est parti en 2012 pour réaliser un film sur la recherche de ce grand-père à travers l’Autriche et les documents historiques. Ce livre offre entre autres ce que l’auteur y dit en voix off. Il prouve une fois de plus qu’il ne faut jamais se contenter de la fiction. L’Histoire doit être racontée. Lorsque ceux qui l’ont subie ou ceux qui l’ont vécue ont disparu, un petit-fils peut les remplacer.
Son texte et son film sont formidablement vivants, ancrés dans un quotidien hanté non seulement par le souvenir familial mais aussi par la grandeur d’un temps dont Hitler signa la perte irrémédiable.
Robert Bober illustre une nouvelle fois le principe des vases communicants qui anime toute son œuvre. Sa littérature et son cinéma nourrissent la réalité comme elle est nourrie par eux. Ce transfert (forcément chaotique) est remarquable. Pour une fois, Bober est plus grave que léger dans ce qui tient d’une œuvre testamentaire comme si à travers son grand-père une certaine histoire se refermait.
jean-paul gavard-perret
Robert Bober, Vienne avant la nuit, P.O.L éditeur, Paris, 2017, 280 p. — 17,00 €.
Vienne avant la nuit, le film, de Robert Bober, produit par « Les Films du Poisson », sort en salles début octobre 2017.