Samuel Brussell, Mes 52 déménagements

Pers­pec­tives cavalières

Samuel Brus­sell est à lui-même sa propre dia­spora. Le pré­sent ne l’exalte que dans l’intensité des dépla­ce­ments. Nous nous gar­de­rons de les jus­ti­fier en spé­cu­lant sur des expli­ca­tions ata­viques. Il faut plu­tôt aller grat­ter du côté de refus de la pas­si­vité ou si l’on pré­fère d’une cer­taine impa­tience de celui qui, comme Claude Roy le sou­li­gna, est plus « beat­nick » que juif ou fla­mand.
Pas ques­tion tou­te­fois de trou­ver dans ce livre (super­be­ment ponc­tué des pho­tos de Plossu) une rai­son à ces dépla­ce­ments. Et les indices lais­sés ne sont guère pro­bants. De Paris à Buca­rest, de Rolle à Tel-Aviv, de New York à — évi­dem­ment — Bruxelles (mais la liste est loin d’être exhaus­tive), l’auteur aura écumé l’occident dont il se veut le bala­din à la Yeats ou le loca­taire ailé. C’est pour l’auteur l’occasion d’écumer bien des anec­dotes. Là il est pris pour un « pédé » qui « se tape les plus belles filles » (Jéru­sa­lem), là pour un errant que visite une maî­tresse “féline” (New York). Preuve s’il en est que le mou­ve­ment déplace cer­taines lignes.

Preuve aussi que le réel échappe à toute démons­tra­tion. Il n’est source que de rap­ports contra­dic­toires. Si bien que la bio­gra­phie de l’anecdote pro­po­sée par le livre est déli­cieuse. Tou­jours entre deux sites, le pié­ton cultive l’inconnu et le dés­équi­libre. Et la vie qui se cherche en un tel « jeu » rem­place le calme infini par l’effervescence. La pas­si­vité s’excluant d’elle-même, res­tent cer­tains contacts, un sens de la déliai­son et la pous­sée qui va jusqu’à exclure tout com­men­taire sur la signi­fi­ca­tion d’un empres­se­ment à la délo­ca­li­sa­tion.
Demeure néan­moins en com­mune mesure le plai­sir de la tra­ver­sée dans le souci d’ignorer les états de fixa­tion et de culti­ver le goût de l’incertitude. Néan­moins, l’intensité du seul pas­sage crée un jeu inat­tendu de la répé­ti­tion. Et quand la vie s’allège ou pour­rait s’inscrire en un lieu, il s’agit de s’absenter par la folie des départs. Ils ne sont peut-être pas sans rap­pe­ler un obs­cur passé qui ne sau­rait se pré­sen­ter à la conscience ni s’absenter de l’obscurité de l’inconscient. D’où le « pas au-delà » (cher à Blan­chot) auquel l’auteur ne fait que se sou­mettre avec ala­crité. Chaque pas de plus por­tant vers l’intensité tacite ou vers un abîme de vérité.

jean-paul gavard-perret

Samuel Brus­sell,  Mes 52 démé­na­ge­ments, Pho­to­gra­phies de Ber­nard Plossu, Edi­tions Yel­low Now / A coté », Cris­née (Bel­gique), 2017.

 

 

 

 

 

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