Antoni Tapiès crée à la fois un équarrissage et une condensation de l’image là où les symboles eux-mêmes échappent à une vision classique de la représentation. L’artiste ibérique parle au sein même de la matière peinture sans renvoyer à une quelconque gloire céleste de l’image. L’effet classique de pans lui-même répond à de nouvelles exigences. Surgit un espace hérétique dans lequel la matière-support devient l’objet de liturgie païenne qui exalte la vie au sein d’une violence qui danse.
Loin de tout maniérisme, Tapiès arrache le regard dévot qu’on accorde à l’art afin de le remplacer par un regard plus enflammé. De telles oeuvres font réfléchir sur la notion même de Temps. L’art n’est plus là pour nous faire passer du fantasme à son reflet imité. Il est l’autre que nous ne pouvons oublier, l’autre qui prend figure de totem où se brassent dans un humour terrible les compulsions de vie et de mort.
L’art devient avant tout un acte de puissance plus que de jouissance où le temps est arrêté au sein même d’éléments qui en disent sinon sa fragilité du moins son passage. Plus question de trouver le moindre confort. Ce qui jaillit des œuvres semble provenir directement de la matière et non du discours événementiel qu’elles “ illustreraient ”.
Entre horreur mélancolique et drôlerie, la peinture reste “avènementielle” en une forme d’entente tacite avec l’existence. Nous y sommes non invités mais jetés entre la douleur du crépuscule et la splendeur de l’aube.
jean-paul gavard-perret
Antoni Tapiès, Temps, matière, mémoire, Galerie Lelong and Co, 13 rue de Téhéran 75008 Paris, du 6 septembre au 7 octobre 2017.