Près d’Alençon, en février 1306, Jehan Fauvel, mire à Brévaux, retrouve son ami Foulques de Sevrin devenu évêque d’Alençon. Il sait qu’il est traqué et lui remet une pierre rouge sang qu’il a reçue de son cousin mourant, celui-ci murmurant Templa Mentis (Le sanctuaire de la pensée). Ils ont été espionnés par un voyou qui rapporte l’essentiel de l’échange à Guillaume de Nogaret, le conseiller très écouté de Philippe le Bel. Celui-ci choisit de surveiller l’évolution de la situation et, le cas échéant, de s’interposer entre l’évêque et l’Inquisition.
Celle-ci, s’est emparée de Jehan et au terme d’un procès inique le condamne au bûcher pour hérésie. Grâce à une jeune femme reconnaissante des soins reçus du mire, sa fille Héluise peut le faire exécuter dans sa cellule, lui épargnant les flammes. Elle comprend que Foulques a livré son père et, qu’à son tour elle est menacée. Elle décide de retrouver cette mystérieuse pierre, objet de la quête de son père, sans savoir qu’elle est poursuivie par l’Inquisition, les hommes de Nogaret et un mystérieux templier. Elle part travestie en homme, prend l’identité de Druon de Brévaux et devient mire itinérant grâce à la formation que lui a dispensée Jehan.
C’est parce qu’elle est fatiguée de dormir à la belle étoile et épuisée par sa journée de marche qu’elle s’arrête dans une auberge. Outre une tavernière malpropre, elle voit un jeune garçon terrorisé. La veuve, qui ne pense qu’au cul, le force à satisfaire ses désirs. Druon décide d’emmener Huguelin en usant d’arguments forts face à la veuve. Quand la faim les tenaille, le garçon pose des pièges. Il est surpris par Béatrice d’Antigny, dite la Baronne rouge, qui veut les faire exécuter pour avoir chassé sur ses terres.
Elle traque une bête colossale laissant derrière elle des cadavres déchiquetés. La population y voit l’œuvre du diable. Druon met en avant ses compétences et la baronne lui met le marché en main : elle les épargnera s’ils viennent à bout de ce monstre sanguinaire… C’est au château que Druon rencontre Ygraine, une mage porteuse d’anciens rites et secrets. Elle connaît sa quête et lui conseille d’aller vers l’est.
Lacrimae, le second volet, s’ouvre sur le mire toujours suivi par de nombreux ennemis. Il atteint le village de Tiron et l’abbaye de la Sainte-Trinité. La richesse des moines attise les critiques et les ressentiments. Druon et Huguelin se retrouvent dans l’obligation de résoudre une série de meurtres, celui d’un mercier aussi riche qu’avare, celui d’un moine. Ils ont été poignardés dans le dos, la main droite coupée selon le supplice infligé aux voleurs. La secrétaire du bailli de Nogent-le Retrou est tuée dans les mêmes conditions.
L’enquête est ardue car le lien entre les trois personnes n’est pas évident. De plus, Constant de Vermalais, le seigneur abbé, ne tient pas à ce que quelqu’un mette le nez dans son abbaye. Il est un des passages qui permet aux Templiers de fuir vers l’Angleterre. L’intrigue relative à la pierre rouge monte en puissance dans ce tome, dévoilant quelques éléments sur l’identité et les motivations de ceux qui traquent Druon.
Avec cette série, Andrea H. Japp place son intrigue au cœur du Moyen Âge, dans le Perche, une région qu’elle affectionne particulièrement. Elle installe une intrigue principale qui reliera les différents tomes et conçoit pour chacun d’entre eux, des enquêtes particulières qui trouvent leur résolution à la fin du roman.
L’Église, bien sûr, joue un rôle conséquent ainsi que l’Inquisition, ce bras armé destiné à écraser toutes hérésies pour mieux assoir le pouvoir clérical. Et tout peut être hérésie ! Andrea H. Japp décrit avec précision les mécanismes, les pièges utilisés par les inquisiteurs pour confondre leurs victimes. Elle donne les grands principes du fonctionnement de ce corps religieux, l’auto-pardon de leurs fautes… Toute ouverture d’esprit, toute tentative scientifique était dénommée hérésie.
Les intrigues s’entrecroisent, se mêlent, se recoupent. Des personnages partent, reviennent. La route de Druon est jalonnée de rencontres, pas toutes heureuses. La galerie des protagonistes est remarquable. Les portraits sont si bien brossés, si finement élaborés qu’on a le sentiment d’avoir à faire à des personnes authentiques. Des personnages historiques jouent un rôle dans la saga, animés avec un grand respect de vérité.
La romancière, authentique scientifique bardée de diplômes dans les domaines de la biochimie, génétique, toxicologie, bactériologie met ses connaissances au service de son récit. Elle donne moult détails sur les maladies, les remèdes, les soins donnés par les “médecins” de l’époque campés sur des théories vieilles de plusieurs siècles. C’est l’immobilisme dans ce domaine et surtout la volonté de ne rien faire évoluer. Sa connaissance du quotidien de la période, du vocabulaire aux rites et croyances en passant par les activités est impressionnante et riche en enseignement.
Entrer dans Les mystères de Druon de Brévaux suscite un grand plaisir de lecture pour la diversité des situations, la richesse des intrigues et la qualité des personnages.
serge perraud
Andrea H. Japp, Les mystères de Druon de Brévaux,
– t. 1 : “Aesculapius” -
– t. 2 : “Lacrimae”,
J’ai lu n°9486 et 9803, mai 2017, 480 p. et 416 p. – 7,80 € et 7,70 €.