Andrea H. Japp, Les mystères de Druon de Brévaux : t.1: “Aesculapius” & t.2 : “Lacrimae”

La lumière et l’obscurantisme

Près d’Alençon, en février 1306, Jehan Fau­vel, mire à Bré­vaux, retrouve son ami Foulques de Sevrin devenu évêque d’Alençon. Il sait qu’il est tra­qué et lui remet une pierre rouge sang qu’il a reçue de son cou­sin mou­rant, celui-ci mur­mu­rant Tem­pla Men­tis (Le sanc­tuaire de la pen­sée). Ils ont été espion­nés par un voyou qui rap­porte l’essentiel de l’échange à Guillaume de Noga­ret, le conseiller très écouté de Phi­lippe le Bel. Celui-ci choi­sit de sur­veiller l’évolution de la situa­tion et, le cas échéant, de s’interposer entre l’évêque et l’Inquisition.
Celle-ci, s’est empa­rée de Jehan et au terme d’un pro­cès inique le condamne au bûcher pour héré­sie. Grâce à une jeune femme recon­nais­sante des soins reçus du mire, sa fille Héluise peut le faire exé­cu­ter dans sa cel­lule, lui épar­gnant les flammes. Elle com­prend que Foulques a livré son père et, qu’à son tour elle est mena­cée. Elle décide de retrou­ver cette mys­té­rieuse pierre, objet de la quête de son père, sans savoir qu’elle est pour­sui­vie par l’Inquisition, les hommes de Noga­ret et un mys­té­rieux tem­plier. Elle part tra­ves­tie en homme, prend l’identité de Druon de Bré­vaux et devient mire iti­né­rant grâce à la for­ma­tion que lui a dis­pen­sée Jehan.

C’est parce qu’elle est fati­guée de dor­mir à la belle étoile et épui­sée par sa jour­née de marche qu’elle s’arrête dans une auberge. Outre une taver­nière mal­propre, elle voit un jeune gar­çon ter­ro­risé. La veuve, qui ne pense qu’au cul, le force à satis­faire ses désirs. Druon décide d’emmener Hugue­lin en usant d’arguments forts face à la veuve. Quand la faim les tenaille, le gar­çon pose des pièges. Il est sur­pris par Béa­trice d’Antigny, dite la Baronne rouge, qui veut les faire exé­cu­ter pour avoir chassé sur ses terres.
Elle traque une bête colos­sale lais­sant der­rière elle des cadavres déchi­que­tés. La popu­la­tion y voit l’œuvre du diable. Druon met en avant ses com­pé­tences et la baronne lui met le mar­ché en main : elle les épar­gnera s’ils viennent à bout de ce monstre san­gui­naire… C’est au châ­teau que Druon ren­contre Ygraine, une mage por­teuse d’anciens rites et secrets. Elle connaît sa quête et lui conseille d’aller vers l’est.

Lacri­mae, le second volet, s’ouvre sur le mire tou­jours suivi par de nom­breux enne­mis. Il atteint le vil­lage de Tiron et l’abbaye de la Sainte-Trinité. La richesse des moines attise les cri­tiques et les res­sen­ti­ments. Druon et Hugue­lin se retrouvent dans l’obligation de résoudre une série de meurtres, celui d’un mer­cier aussi riche qu’avare, celui d’un moine. Ils ont été poi­gnar­dés dans le dos, la main droite cou­pée selon le sup­plice infligé aux voleurs. La secré­taire du bailli de Nogent-le Retrou est tuée dans les mêmes condi­tions.
L’enquête est ardue car le lien entre les trois per­sonnes n’est pas évident. De plus, Constant de Ver­ma­lais, le sei­gneur abbé, ne tient pas à ce que quelqu’un mette le nez dans son abbaye. Il est un des pas­sages qui per­met aux Tem­pliers de fuir vers l’Angleterre. L’intrigue rela­tive à la pierre rouge monte en puis­sance dans ce tome, dévoi­lant quelques élé­ments sur l’identité et les moti­va­tions de ceux qui traquent Druon.

Avec cette série, Andrea H. Japp place son intrigue au cœur du Moyen Âge, dans le Perche, une région qu’elle affec­tionne par­ti­cu­liè­re­ment. Elle ins­talle une intrigue prin­ci­pale qui reliera les dif­fé­rents tomes et conçoit pour cha­cun d’entre eux, des enquêtes par­ti­cu­lières qui trouvent leur réso­lu­tion à la fin du roman.
L’Église, bien sûr, joue un rôle consé­quent ainsi que l’Inquisition, ce bras armé des­tiné à écra­ser toutes héré­sies pour mieux assoir le pou­voir clé­ri­cal. Et tout peut être héré­sie ! Andrea H. Japp décrit avec pré­ci­sion les méca­nismes, les pièges uti­li­sés par les inqui­si­teurs pour confondre leurs vic­times. Elle donne les grands prin­cipes du fonc­tion­ne­ment de ce corps reli­gieux, l’auto-pardon de leurs fautes… Toute ouver­ture d’esprit, toute ten­ta­tive scien­ti­fique était dénom­mée hérésie.

Les intrigues s’entrecroisent, se mêlent, se recoupent. Des per­son­nages partent, reviennent. La route de Druon est jalon­née de ren­contres, pas toutes heu­reuses. La gale­rie des pro­ta­go­nistes est remar­quable. Les por­traits sont si bien bros­sés, si fine­ment éla­bo­rés qu’on a le sen­ti­ment d’avoir à faire à des per­sonnes authen­tiques. Des per­son­nages his­to­riques jouent un rôle dans la saga, ani­més avec un grand res­pect de vérité.
La roman­cière, authen­tique scien­ti­fique bar­dée de diplômes dans les domaines de la bio­chi­mie, géné­tique, toxi­co­lo­gie, bac­té­rio­lo­gie met ses connais­sances au ser­vice de son récit. Elle donne moult détails sur les mala­dies, les remèdes, les soins don­nés par les “méde­cins” de l’époque cam­pés sur des théo­ries vieilles de plu­sieurs siècles. C’est l’immobilisme dans ce domaine et sur­tout la volonté de ne rien faire évo­luer. Sa connais­sance du quo­ti­dien de la période, du voca­bu­laire aux rites et croyances en pas­sant par les acti­vi­tés est impres­sion­nante et riche en enseignement.

Entrer dans Les mys­tères de Druon de Bré­vaux sus­cite un grand plai­sir de lec­ture pour la diver­sité des situa­tions, la richesse des intrigues et la qua­lité des personnages.

serge per­raud

Andrea H. Japp, Les mys­tères de Druon de Bré­vaux,
t. 1 :  “Aes­cu­la­pius” -
– t. 2 :  “Lacri­mae”,
J’ai lu n°9486 et 9803, mai 2017, 480 p. et 416 p. – 7,80 € et 7,70 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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