Partant d’un fait divers météorologique pour le moins calamiteux puisqu’il fit une vingtaine de mort dans les Alpes Maritimes, François Heusbourg évite néanmoins le pathos tout en prouvant que la poésie peut se frotter à autre chose qu’un sentimentalisme béat et bêlant. En trois temps (pendant l’épisode de tempête, juste après et plus tard) avec un dessin d’ouverture qui se refuse à une simple relation descriptive, l’œuvre devient — au-delà d’un récit — une sorte de chant du chaos sur le champ des ruines où les repères à proprement parler se dissolvent.
Le poète monte ainsi une expérience des limites dans ce qu’elles ont de plus matérielles et premières. La boue et les eaux torrentielles créent un dessaisissement de soi qui dépasse les affres habituelles des âmes lorsqu’elles sont au sec. La notion de porosité acquiert ainsi un sens plus vif et profond au moment où, l’orage passé, des gestes simplissimes prennent une valeur que le fil des jours avait fini par estomper.
Le désordre des éléments instruit ainsi un contre flux face à ce qui put paraître comme presque irréel et absurde même lorsqu’il s’agit d’évoquer des victimes de l’imprévisible et de l’imprévoyance. Mais le livre reste le plus fort par son sens implicite : une telle dévastation n’apprend rien ou si peu. Ce n’est pas pour autant une leçon de morale mais un constat. Surtout de ce qu’il en est du sentiment d’exister. Le texte demeure impressionnant par ces instants de vie concrète et fugitive dans le broyage du réel et la psalmodie de sa cohérence défaite et reconstruite. Il n’existe là plus de concept mais un déclic résolument concret.
jean-paul gavard-perret
François Heusbourg, Zones inondables, dessins de Jean-Michel Marchetti, Ancrages and co, n.p.., 2017 — 19,00 €.