Avant même et après la parole, au début comme à la fin de l’Histoire le porc est là. En conséquence, dans le moindre Pierrot d’amour se cache un goret. C’est sans doute pourquoi la truie altruiste n’espère rien des hommes. Elle préfère son compagnon d’auge. Il lui rappelle la vie d’avant le jour en son premier langage.
Daniel Duhamel Arrapel et Armel Louis rappellent dans leur défense et illustration du goret qu’il n’est pas notre aporie mais notre germination. Il ne peut donc entrer dans une seule phrase tant se fomente en lui notre syntaxe primitive que nous voulons ignorer. Elle glisse pourtant sans cesse vers le tronc de nos heures. Le porc doit donc être traité avec respect car il nous rappelle que l’infini n’est rien et que nul Dieu n’en sortira jamais.
Ecrire le porc permet de s’arracher à l’erreur mystique. Vulve vue, Marie la vierge vénérée redevient l’adorable truie. Elle n’est plus une Narcisse mélancolique mais la mante peu religieuse des gouffres engendrés par la maladie de l’idéalité. Se déploie une autre sainteté. Elle est hantée de viande puisque le cochon pointe son groin.
Les deux auteurs répondent à le question de savoir ce que devient le mot “ écrire ” quand le porc est son sujet mais que ce dernier ne peut l’apprivoiser. Le dévoilement du mot “cochon” ouvre au jour ce qui fait la débauche, la pusillanimité, l’absence de vertu. Ce dépouillement ne doit culpabiliser en rien. Elle ne fait que sexualiser le mot “ homme ” en affrontant jusqu’au bout son animalité. Celle-ci renvoie à l’affolement dont sort son cri absurde.
Soudain l’animal humain ne cherche plus de fausses traces. Il sait la rencontre avec lui-même impossible, son seuil infranchissable. Il ne peut compter que sur sa fièvre porcine et son innommable. Il se revendique comme la bête qui crut un temps à l’Esprit. De la porcherie surgit son écurie d’Augias.
jean-paul gavard-perret
Daniel Duhamel Arrapel & Armel Louis, Déclaration Universelle des droits du Cochon, Editions La Lucarne des écrivains, Paris, 2017, 114 p. — 19, 90 €.