Jean-Louis Giovannoni, Garder le mort

« Il fait noir / au milieu de la viande » (J-L G.)

Garder le mort a été publié en 1975 aux édi­tions Atha­nor, réédité aux mêmes édi­tions en 1976, puis aux Édi­tions Unes d’abord en 1985,  in « Les choses naissent et se referment aus­si­tôt » (poèmes 1974–1984) avec une pré­face de Ber­nard Noël, puis en 1991. Il est réédité en 2009 par les édi­tions Fis­sile. L’édition qui paraît aujourd’hui pré­sente, à la suite du texte ori­gi­nal, une ver­sion pré­pa­ra­toire et des poèmes inédits écrits juste après la paru­tion défi­ni­tive du livre.
Celui-ci reste l’ouvrage du deuil et de la para­doxale nais­sance. Ecrit à la mort de sa mère et d’une cer­taine manière « pour »,  il signe l’entrée en poé­sie de Jean-Louis Gio­van­noni. Le texte mar­qua une ouver­ture aussi à la poé­sie du temps. Chi­rur­gi­cal quant à sa pré­ci­sion d’écriture, il per­met de « tou­cher l’intérieur d’un corps. » Il ne peut par sa vio­lence que bou­le­ver­ser les lec­teurs. Une masse fermée/ouverte jaillit devant leurs yeux.

La chair est pré­sente dans ses affres. Le poète — comme Ber­nard Noël l’écrit — « retourne la pudeur » sans pour autant en pro­vo­quer l’outrage basique. La puis­sance du livre est là : jaillissent la pré­sence de nos propres organes, notre cris­pa­tion face à cette vision. D’où la trans­for­ma­tion de la morte ini­tiale en « le mort » du titre. Par celle de la pre­mière, Gio­van­noni va jusqu’à l’extrémité d’une vie à tra­vers celle à qui on ferme les yeux et la bouche, que l’on habille et veille dans un rituel de limbe et de silence.
Tout est traité phy­si­que­ment, de manière char­nelle plus que psy­cho­lo­gique. Cha­cun est atteint par cette ultime veille et cette « mons­tra­tion » de notre propre monstre. Existe la bas­cule dans la soli­tude qui nous fait au nom de ceux qui nous ont fait et que nous sui­vons. C’est à la fois « fas­ci­nant », ter­rible et en même temps ter­ri­ble­ment frac­tal et reli­gieux même si le texte reste réso­lu­ment d’ici-bas, d’ici même donc humain dans les der­nières preuves « d’amour ».

jean-paul gavard-perret

Jean-Louis Gio­van­noni,  Gar­der le mort , Edi­tions Unes, Nice, 2017, 96 p. - 14,00 €.

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