Il faut toujours se méfier de Christoph Bruneel. Von Knapheyde n’est pour rien (ou presque) dans cette « histoire au dessus des têtes ». C’est bien le premier qui est aux manettes pour multiplier ses spectres en rien métaphysiques mais décapants. Certes, cette histoire se veut « d’origine ». Toutefois son auteur nuance aussitôt d’un « sur laquelle la généalogie n’au aucune emprise ».
Le « faux houblon » de Mouscron poursuit donc son entreprise de démolition sous prétexte d’une prétendue filiation avec la baron autrichien dont il s’attribue la descendance. Le tout au nom de simples prétextes : deux photographies de la fin du XIXème siècle chinées aux puces de Lille et 27 photographies d’ecclésiastiques tirées d’une poubelle (les photos, pas les prélats). S’y « collent » en écho des titres découpés dans « Le Monde » et des images de roman-photos des années 70 récupérées pas très loin de chez lui – ce qui ne veut pas dire que sa très chère et tendre Anne Létoré lisait de telles publications avant de connaître son « Xtof allias Hernn Brunkel ».
Créé — farce suprême — en « mémoire de son ancêtre », le livre propose des montages délicieusement indécents et iconoclastes. Un stock d’amour pour le prochain passe de l’image des pieux à celles du pieu. L’auteur fait donc le lit à des compositions d’un désordre parfaitement agencé. S’y croisent un curé parfait sosie de Woody Allen et des vignettes qui ne sont pas sans rappeler les scènes chaudes de son « Match Point ».
L’image d’un couple dans la partie inférieure de chaque page assouplit la componction de la figure sacrée qui la domine. Mais il s’agit chaque fois de se vouer plus aux seins (sagement rangés, du moins le plus souvent dans leurs soutiens-gorges selon les lois de l’époque) qu’aux saints ou ceux qui peuvent être pris pour tels.
L’auteur se garde néanmoins de tout commentaire. Implicitement, il tire de ses vignettes une histoire quasi policière et des plus policées. Les femmes et les cléricocoricos y ont la peau lisse (et pas seulement aux fesses). Bref, tout est insidieusement jouissif. Quant aux prêtres ils se prêtent à une sorte de chœur muet face à tout ce qui se passe ou ne passe pas sinon dans la « poésie épurée » (sic) de la scène quasi finale.
jean-paul gavard-perret
Une histoire au dessus des têtes — Von Knapheyde, Editions l’Âne qui butine, Mouscron (Belgique), non paginé, 2017.