Peter Bogers, Roadmovie (exposition vidéo)


Saints sièges

L’artiste néer­lan­dais Peter Bogers (né à Dor­decht et vivant à Amster­dam) a com­mencé sa car­rière dans le champ de la per­for­mance avant de se tour­ner vers le médium vidéo. Il uti­lise des maté­riaux sonores et visuels des mass médias, filme des situa­tions du quo­ti­dien ou enre­gistre en stu­dio des scènes mon­tées à des­sein. Il met l’accent sur des aspects du pay­sage occul­tés par le regar­deur du fait de l’accoutumance et la force de l’habitude.
Lors de ses voyages en Auvergne, il s’est inté­ressé aux sta­tues reli­gieuses : croix, sta­tues de la Vierge entre autres qui se découvrent le long des routes et che­mins. Comme l’écrit l’artiste en par­lant de ses périples : « En tant qu’automobiliste, arrê­ter sa voi­ture de manière aléa­toire près d’une sta­tue, puis éteindre le moteur, peut faire res­sen­tir un ren­ver­se­ment impres­sion­nant de son état d’esprit. Alors que l’on est foca­lisé sur le mou­ve­ment, la pro­gres­sion du véhi­cule, dans le bruit d’une coquille méca­nique, l’arrêt et le silence natu­rel pro­voquent un chan­ge­ment radical. ».

Chaque sta­tue « invi­sible » est là néan­moins pour for­cer à la médi­ta­tion : « En contraste avec la route asphal­tée à côté de laquelle elle est située, elle nous confronte à la lutte sans fin de l’homme pour don­ner un sens à la vie et la mort ». L’artiste a donc inventé des enre­gis­tre­ments de ces ren­contres à par­tir de sa voi­ture puis il a conçu une ins­tal­la­tion audio­vi­suelle dans laquelle trois images sont pro­je­tées les unes à côté des autres.
Ce tra­vail inti­tulé Road­mo­vie  a été créé chez « Vidéo­formes ». Dans ce mon­tage, le son demeure cen­tral : quand les auto­mo­biles roulent, le vrom­bis­se­ment pro­vient uni­que­ment du mur où les images sont pro­je­tées. Lorsque le silence se fait, jaillit le bruit de fond natu­rel, sub­til dis­sé­miné dans l’espace en divers canaux. Le sys­tème se répète dans ce qui devient un road-movie ad libi­tum fait d’arrêts et de reprises.

Le vidéaste hol­lan­dais crée un tra­vail radi­cal sur la ques­tion de l’émotion face aux images. Il existe aussi un clin d’œil à pro­pos des « mater dolo­rosa» et autres figures votives. Le type d’émotion qu’elles sus­citent demeure pour lui à la fois étrange mais aussi signi­fi­ca­tif au moment où les « for­mules sociales de pathos » passent d’un registre reli­gieux à un autre. Pour lui, le pathé­tique n’est pas for­cé­ment mal­sain et facile. Il peut avoir force la légende même si le créa­teur pré­fère à l’emphase une pré­sen­ta­tion a minima et ellip­tique.
Vidéaste et aussi sémio­logue, il rap­pelle d’une cer­taine manière l’Eisenstein qui sut par­fois la pro­duire par des plans où l’émotion se dit juste par un vol d’oiseau.

jean-paul gavard-perret

Peter Bogers, Road­mo­vie, Video-formes, Cler­mont Fer­rand, 2017.

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