Arnaldur Indridason, Trilogie des Ombres — t.1 : “Dans l’Ombre”

Les réseaux de l’ombre dans l’Islande de 1941…

Arnal­dur Indri­da­son a déjà évo­qué la pré­sence de l’armée amé­ri­caine en Islande dans Opé­ra­tion Napo­léon (Métai­lié — 2014). Dans le pré­sent roman, pre­mier volet d’une tri­lo­gie, il raconte les années de la Seconde Guerre mon­diale avec la pré­sence des armées bri­tan­niques dès le mois de mai 1940, rem­pla­cées pro­gres­si­ve­ment par les forces américaines.

Eyvin­dur, un repré­sen­tant de com­merce, a été inquiet pen­dant toute sa tour­née car il s’est dis­puté avec Vera. À cela, il faut ajou­ter ce que lui a dit cette ordure de Félix quand ils se sont croi­sés. En ren­trant dans son petit appar­te­ment, il constate que Vera n’est pas là, qu’elle a démé­nagé toutes ses affaires.
Flovent, ins­pec­teur à La Cri­mi­nelle de Reyk­ja­vik, est dans un appar­te­ment devant le cadavre d’un homme tué d’une balle dans la tête. La logeuse, qui décou­vert le corps, révèle qu’il s’agit de Félix Lun­den, son loca­taire. C’est une balle pro­ve­nant d’un colt 45, l’arme la plus uti­li­sée par les sol­dats amé­ri­cains. Ce détail le pousse à se rap­pro­cher des mili­taires. Thor­son, un inter­prète cana­dien d’origine Islan­daise, est alors dési­gné pour faire la liai­son. Pour res­pec­ter les pro­cé­dures, Flovent demande à la logeuse de venir recon­naître le corps à la morgue. C’est alors qu’elle s’aperçoit de son erreur : ce n’est pas Lun­den. Le légiste remarque qu’une croix gam­mée a été tra­cée sur le front de la vic­time, avec son propre sang et s’interroge sur le nom. Est-il parent avec ce méde­cin, mi-allemand mi-danois, qui a tra­vaillé ici ?
L’entretien avec l’homme, en fau­teuil suite à un acci­dent, se passe mal. Il ne lâche rien sur son fils. En fouillant dans sa car­rière, dans ses rela­tions, Flovent et Thor­son découvrent qu’il fré­quen­tait les nazis avant la guerre. Peu à peu, ils remontent des pistes qui se croisent, s’entremêlent et trouvent des racines dans le passé…

Unis­sant nombre d’éléments et de don­nées his­to­riques, le roman­cier place le cadre de son récit dans une période bien par­ti­cu­lière. D’abord, l’arrivée mas­sive de jeunes sol­dats pro­voque un dés­équi­libre dans la popu­la­tion, dans la gent fémi­nine, cer­taines voyant là l’occasion d’échapper à la vie rus­tique qui les attend si elles convolent avec un natif et cher­chant à se faire épou­ser par un de ces sol­dats. L’île, à l’époque, avait essen­tiel­le­ment comme sources éco­no­miques la pêche et l’agriculture. Ce mou­ve­ment est dénommé “La Situa­tion”. On apprend aussi le fait que les nazis s’intéressent aux Islan­dais, per­sua­dés qu’ils appar­tiennent à une race nor­dique res­tée pure depuis l’époque viking. L’auteur met ainsi en avant, envoyé par Himm­ler, l’action d’un méde­cin venant de l’université d’Iéna, une struc­ture répu­tée pour ses recherches sur la patho­lo­gie humaine, les recherches en géné­tique et sur la sélec­tion des espèces.
Cepen­dant, il est cer­tain que les Alle­mands ne pou­vaient pas igno­rer les forces armées concen­trées sur cette île, ne pas cher­cher à en connaître la com­po­si­tion, les arme­ments et les posi­tions stra­té­giques occu­pées. Le roman­cier réin­vente les meilleurs moments du roman d’espionnage, joue avec tous les codes du genre, mêlant le vrai au faux tant du côté des espions que des contre-espions, intègre des agents-doubles, de la haute trahison…

Indri­da­son pro­pose, pour mener les enquêtes, deux per­son­nages par­ti­cu­liè­re­ment bien cam­pés avec leur inex­pé­rience en matière de police, sur l’art et la manière de mener une enquête. Ainsi, le poli­cier islan­dais a, certes, été sta­giaire de Scot­land Yard mais n’a jamais été confronté à un crime. Il est assisté d’un jeune sol­dat inté­gré comme inter­prète dans la police mili­taire. Le duo fonc­tionne de façon remar­quable ayant à faire ses preuves, à impo­ser leurs convic­tions et ne pas se lais­ser mani­pu­ler par les struc­tures d’occupation. L’auteur met en scène une gale­rie de femmes aux por­traits remar­quables, toutes jouant un rôle actif dans le récit, un rôle qui mon­tera, sans doute, en puis­sance dans les pro­chains tomes.
Ce pre­mier volet est par­ti­cu­liè­re­ment riche en rebon­dis­se­ments de toutes natures,  que ce soit dans le fil de l’enquête, avec les pro­ta­go­nistes ren­con­trés, ou sur la per­son­na­lité et le carac­tère des deux héros.

Dans l’Ombre se lit d’une traite tant la richesse de l’intrigue, du contexte est addic­tive. Le second tome La femme de l’Ombre est annoncé, chez le même édi­teur, pour le mois d’octobre et la fin en mars 2018. Des paru­tions à suivre avec attention.

lire notre cri­tique de La femme de l’ombre (tome 2)

serge per­raud

Arnal­dur Indri­da­son, Tri­lo­gie des Ombres - t.1 : “Dans l’Ombre” (Pyska husid), tra­duit de l’islandais par Éric Boury, Métai­lié, Biblio­thèque nor­dique (Noir), février 2017, 352 p. – 21,00 €.

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