Le monde et ses contradictions : Stéphane Duroy
Existe dans l’œuvre de Duroy un mouvement de vagues que traduit bien le titre « Again and again » puisqu’il s’agit de rendre visible l’oublié comme ce qui détermine l’être à l’Histoire en ce que cette dernière entend d’exil, de déracinement mais aussi d’ancrage. L’artiste a traversé de manière obsessionnelle l’Europe et les USA à la recherche de diverses traces mémorielles même si, peu à peu, il s’oriente vers des lieux plus « neutres » ou anonymes : plaines urbaines, désolation du bitume gris, visages de loosers et marginaux, laissés pour compte d’une société qui nourrit uniquement ceux qui trouvent dans la masse humaine de quoi s’engraisser financièrement et soigner leurs formes physiques.
Demeure dans les photographies un paysage désolé, abandonné parsemé de quelques marginaux, survivants qui rappellent néanmoins la résurgence d’un certain mode de vie et sa fin. Il y a des pintes noires de Guinness, des étendues blanches inoccupées, bref toute la brutalité de la réalité qui se cache au détour des hauts faubourgs pour peu qu’on s’y attarde.
Plus besoin des pèlerinages premiers (et qui furent cependant nécessaires) à Douaumont, Berlin, Auschwitz, Lodz. De nouveaux dans notre Europe comme aux USA (et ailleurs) bien des identités sont encore en péril. Duroy en témoigne dans une esthétique sombre, épurée, radicale. Dans les banlieues européennes comme dans celle de New-York mais aussi dans les campagnes de Pologne ou du Montana, le désenchantement est un mot insuffisant pour évoquer ce que l’artiste montre.
jean-paul gavard-perret
Stéphane Duroy, Again and again, Le BAL, Paris, du 6 janvier au 9 avril 2017.