Iris Galarotti, Cornelia Eichhorn, Nathalie Tacheau, Corine Borgnet & Tamina Beausoleil, On ne dormira jamais (exposition)

Nuits blanches

Iris Gala­rotti, Cor­ne­lia Eich­horn, Natha­lie Tacheau, Corine Bor­gnet et  Tamina Beau­so­leil ne sont pas des femmes qui se laissent faci­le­ment conter fleu­rette. Mais leurs œuvres, dans leurs diver­si­tés, ouvrent à bien des mer­veilleux : fon­dés sur le réel, elles s’en éloignent à dif­fé­rents degrés sui­vant des­sins, col­lages, pein­tures et pho­to­gra­phies. Les œuvres ques­tionnent la repré­sen­ta­tion du corps, et du vivant dans tous ses états. Chez   Tamina Beau­so­leil s’y mêlent des révi­sions des lan­gages ainsi que des planches ana­to­miques et médi­cales mais aussi des visions des arché­types du fémi­nin où l’éros se mêle à la légende, le bien au mal en des opé­ra­tions (enten­dons ouver­tures) selon les­quelles il n’est plus ques­tion de trou­ver le som­meil.
Par l’entremise des fées, des songes tumul­tueux et d’une œuvre à l’autre l’enjeu de la repré­sen­ta­tion entre le réel et le fan­tasme s’instruisent selon des archéo­lo­gies hybrides, des com­po­sites libi­di­naux entre le dehors et le dedans. Chaque expé­rience devient une ini­tia­tion poé­tique qui mêle corps et esprit.. Corine Bor­gnet crée sa relance à bras vers le monde perdu de l’enfance. Sans nos­tal­gie, elle recon­duit à la fron­tière d’un ter­ri­toire plus libre d’une époque révo­lue où plai­sir et effroi se conjuguent.

Avec Natha­lie Tacheau, l’espace s’évase à tra­vers des jeux de méta­phores. Cha­cun peut retrou­ver une leçon de sagesse grâce aux décou­pages et col­lages et aux jeux de calques créa­teurs de réa­lité équi­voque. Cha­cun doit cher­cher sa voie là où êtres et ani­maux se déforment dans ce qui tient autant de la nar­ra­tion que de l’errance. L’usine à rêve d’Iris Gal­la­rotti joue des ava­tars entre appa­ri­tion et dis­pa­ri­tion : ce qui peut se voir glisse sous le registre de ce que le regard ne savait plus contem­pler.
« Le rêveur insom­niaque » cher à Beckett trouve ainsi sa place dans ce que l’image sou­lève, condense et étale en l’hymen par­fait du contre et de rêve, ces sem­blables, ces frères.

Corne­lia Eich­horn, elle, met en scène cobayes et marion­nettes à fils invi­sibles. Elle les force à com­pa­raître au tri­bu­nal de la volonté de son ima­gi­naire en met­tant l’accent sur les tor­tures qu’engagent les rela­tions humaines. Une telle expo­si­tion pro­pose donc des ima­ge­ries en rien léni­fiantes. La nuit est longue car secouée de tour­ments. Ce qui n’empêche pas le rêve, tel qu’il se cache dans les plis des plus cau­che­mar­desques des contes. Sans cette double pos­tu­la­tion, les êtres ne seraient pas humains. Et les cinq abbesses les ramènent à leur état pre­mier his­toire de leur refaire une santé men­tale. Il ne s’agit plus de régres­ser mais de conti­nuer à gran­dir là où la pen­sée prend par peps et muscles au milieu des anges et de la bes­tia­lité.
Ce qui fra­gi­lise émer­veille. Du mal se tire la connais­sance. Dans cette confu­sion, l’adulte rede­vient l’enfant qui plus que le pre­mier com­pre­nait la dif­fé­rence entre l’idéal et les miasmes. Preuve que dans le conte comme dans l’imaginaire des créa­trices, la peur ras­sure tout en rap­pe­lant que la route du plai­sir est jalon­née de bar­rières. Les cinq artistes les rehaussent mais les font sau­ter. C’est du for­ti­fiant pour ne pas se détruire ou se lais­ser détruire, un peu de Char­treuse optique contre les larmes et pour la vie.

jean-paul gavard-perret

Iris Gala­rotti, Cor­ne­lia Eich­horn, Natha­lie Tacheau, Corine Bor­gnet &   Tamina Beau­so­leil, “On ne dor­mira jamais”, Gale­rie La Voute, Paris du 2 au 18 mars 2017.

 

 

 

 

 

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