« Je qui n’est rien / sans une histoire qui le raconte. » écrit Chantal Maillard. Encore faut-il que cette histoire ne se dissolve pas dans un sirop grandiloquent qui servirait à son apologie. La poétesse s’en garde. Elle a au moins le mérite de ne pas croire que l’écriture soit un apprentissage de vérité ou d’une quelconque sagesse. Elle n’est là que pour suivre son cours et celui de l’existence. C’est pour l’auteure un travail de longue fatigue qui répond à celle de l’existence.
Existe au départ une certaine majesté. Malgré cette fatigue, il faut trouver la force de poursuivre et d’ « Observer les nuages./ A l’intérieur. / Balayer./ A l’intérieur ». Cela semble ne pas manquer de grâce et de panache.
Néanmoins, tout ce travail de déréliction, à force, et forcément, tourne en rond : « Soupeser. // Sentir. // Se sentir. // Alors la fatigue. /Celle de se sentir. De nouveau. /Choisir d’écrire. Pour se situer. /Sur le point de mire. / Se concentrer./ Sur le point. /Dire le point. /Point. ». Tout cela sent hélas! le déjà vu, le déjà écrit. Et il y a même belle lurette. Comme si l’auteur ignorait Kafka, Beckett, Emaz. Bref, un tel livre à force et de lui-même fatigue…
Dire la fatigue, écrit quelque part, l’auteure ce serait « cesser d’écrire ». Mais elle ne va jamais au bout de sa logique. Elle beurre sa biscotte d’encore et d’encore. Le propos possède ses raisons mais peu à peu elles se transforment en raisins verts de la colère chez le lecteur soumis à ces expériences dites des limites et plus ou moins surjouées.
Le travail d’épuisement de l’écriture mérite plus d’ambition que cette ovalie ibérique et son désert d’ennui.
jean-paul gavard-perret
Chantal Maillard, Fils, traduction de l’espagnol de Pierre-Yves Soucy, Éditions Le Cormier, 2016.