Il faut toujours se méfier des livres et des films qui s’écoulent dans le brouillard. Ils sont souvent fumeux et marécageux. Dès lors, lorsque le fleuve sort de son lit et que ses riverains manquent de Pô par son débordement se devine, qu’en dépit d’une univers spongieux, Bob l’Eponge ne sera pas de ce monde.
Les Italiens, à l’inverse des Français, ne sont pas avares de roman engagé et noir eu égard à l’Italie fasciste et ses chemises d’une même couleur. Quant au commissaire Soneri, héros de l’histoire, il n’a rien de la faconde qui colle aux idées toutes faites sur la nature volubile des transalpins. Il est des plus tranquilles, replié sur lui-même. Apparemment, il manque de “Pô” même si la « pianura padana » lourde de ses silences reste son domaine.
Se retrouvent là les poncifs du roman policier où — de Chandler à Simenon –le policier est toujours taciturne tant il est astreint à résoudre une enquête aux improbables indices Mais le Pô fait bien les choses : se retirant, il laisse apparaître non seulement la clé de l’énigme mais les fantômes des horreurs charriées par le fascisme et d’autres idéologies plus récentes. Elles laissent encore leurs stigmates chez ceux qui crurent à une marche inexorable vers l’aube où un coq rouge ou noir chante sur le fumier de l’histoire.
A défaut de ce jour et de son grand soir, tout se mêle à la boue mais reste, pour tenir, le vin pétillant de Fortarina, équivalent italien du bourbon des romans noirs américains. Au milieu de ce marécage, et entre autres poncifs, vogue et vaque une femme libre : elle donne de son corps pour insuffler au commissaire un regain de courage. Quant aux surprises, elles ne manquent pas mais n’étonnent pas vraiment.
Bref, l’ensemble reste une aimable piquette qui se laisse boire. Du moins pour ceux qui cherchent en la littérature un passe-temps aimable. Dans ce roman « fleuve » se ressassent les vieille souillures du passé et leurs nappes de détermination là où tout n’est piloté que par le mensonge.
jean-paul gavard-perret
Valerio Varesi, Le Fleuve des Brumes (“Il Fiume delle Nebbie”), Agullo Editions, trad. italien Sarah Amrani, 2017, 316 p. — 21,50 €.