Le livre de Philippe Beck est celui d’un point de vue ou plutôt d’un point du jour particulier. Il est fait autant pour saluer la jeunesse qu’insister par effet de retour sur le fait de la vieillesse face auquel nul peut espérer grand chose. Quoique s’extirpant de la narration, le texte devient l’affirmation d’un parti-pris : contre un vieux mari et pour sa jeune épouse Iduna, exaspérée par la décadence de celui qu’elle a dû jadis aimer.
La jeune femme devient la forme et la force vive du livre. Elle lui donne sa forme primesautière. Tout s’imbrique avec une violence pas forcément douce et dont la jeunesse est souvent porteuse dans la force de ses pulsions. Iduna a donc mal à supporter la vieillesse, sa dépendance. Si bien que la jeunesse et la femme ne font qu’un. Elles expriment et expérimentent la liberté, l’intensité, les désirs et les refus.
Iduna est aventurière plus qu’épouse. Ses qualités sont dispatchées selon une nomenclature d’attributs plus ou moins circonstanciels. Et pour le « vieux » Beck, la poésie se revendique comme la pensée de la jeunesse au moment où, pour lui, elle devient un paysage de plus en plus imaginé mais dont il retire les ficelles. Et ce, à l’inverse de Braga qui n’a plus la force de les tendre ou n’en n’éprouve plus le besoin.
Existe par le fait une « délie » de la sexualité. Mais tournant le dos à un Bernard Noël pour qui « Nommer est une magie décevante qui convoque le tout et ne fait apparaître que le rien », Beck espère que le corps sera une idée plus étonnante que celle de l’âme. Et il veut que la poésie soit encore une jouvence comme jadis fut celle de l’Abbé Souris.
jean-paul gavard-perret
Philippe Beck, Iduna et Braga de la jeunesse, José Corti, coll. « En lisant, en écrivant », Paris, 2017, 92 p. — 14,00 €.