Claire Morel, Un arbre sans nid d’oiseau et La maison abandonnée

Comme un oiseau sans Elle

Posant les ailes alour­dies des cor­mo­rans de Bau­de­laire dans ses propres rêves, Claire Morel nous donne de bons tuyaux sur la nature humaine comme sur l’humanité de la nature. Quoi de mieux — pour lut­ter contre les déper­di­tions de cha­leur en période de froid et contre le réchauf­fe­ment de la pla­nète — que des images sans tête sinon en forme de queue ? Elles rap­pellent à l’homme ce qu’il en est de ce qu’il prend pour sa pen­sée.
Claire Morel lui tient la dra­gée haute hors de tout hymé­née. Ses des­sins sont des clés sans pipe. Elles per­mettent d’ouvrir la porte des inter­dits. En cares­sant le corps d’une “har­deur” sau­vage, le cro­quis  prend allure de totem ou ani­mal. L’ « il » deve­nant femme est vilaine. Sa queue ne rai­dit rien qui vaille. Dans ce magma l’âne rit en pis­sant au besoin sur les capucines.

Liquette au clou, seins sans maillots de Nylon sur de dures dunes, les femmes donnent des fausses pistes aux mateurs et ama­teurs de fan­tasmes. Des viandes belles s’étalent sur l’amer. Jaillit par­fois une mater dolo­rosa cabrée dans sa gaine. Et par­fois, il y a face à des méduses médu­sées des maque­reaux à gro­seilles calant leurs fesses sur le sable aux nœuds. Le tout sans oublier l’odeur de bouillon d’algues dans les soie­ries d’encornets four­rés.
Les des­sins de Claire gobent ainsi le vide, le broutent entre le mou gras du ventre et le glas des glottes. Tout est tra­fi­coté : choses sues et sucées et bien d’autres en corps. C’est bien plus drôle que des loques à la Pol­lock. Tout à l’air vain vers l’aine. L’âme n’est que pro­thèse. Des­sous, il y a la bête qui chante dans le sup­plice de ce qu’on appelle rut.

Carènes pre­nant l’eau de toute part, chaque vignette nique la carne. Un port épique n’est pas cer­tain : tout est fait pour le nau­frage de la rai­son. Del­tas d’ombre, touffes, sillons, coudes et méandres : tout devient « dégob et foi­rade » comme aurait dit le per­ti­nent Beckett. Mais sou­dain, une femme nue sur­git de nulle part : la main de l’artiste en des­sine un sein et le regar­deur se demande com­ment il s’apprivoise car il n’en voit jamais la fin

jean-paul gavard-perret

Claire Morel, Un arbre sans nid d’oiseau  et La mai­son aban­don­née, Eric Hig­gins Edi­teur, Saint Jean de Mont, 2017.

Leave a Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Erotisme

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>