Erika Lust, Five Hot Stories for Her

Devine qui vient dîner ?

Chez Erika Lust la nour­ri­ture se mêle sou­vent à la sexua­lité. Dans Eat With… Me  une femme en robe rouge a dressé une table sur laquelle un chef bar­ce­lon­nais lui sert un repas (pou­let rôti, huîtres, fruits indé­cents et crèmes onc­tueuses) avant de faire l’amour en une pas­sion dévo­rante. Le repas était le pré­lude à un autre tout aussi déli­cieux. L’artiste livre ses fan­tai­sies et appé­tits sen­so­riels. Elle publie ses films fémi­nistes pour adultes sur son site “Xcon­fes­sions” en ne négli­geant ni son inté­grité artis­tique ni son sex-appeal.
L’artiste trans­forme ainsi les films X. Ils sonnent justes car le sexe n’est pas joué et s’éloigne du porno en refu­sant ses tro­pismes d’une bana­lité crasse avec ses col­lants de mau­vais goût, sa musique rin­garde, ses sofas défon­cés et ses gémis­se­ments ridicules.

La sué­doise impose une uto­pie fémi­niste en prou­vant que le X peut intro­duire des sen­sa­tions et des émo­tions. La sexua­lité est pour elle l’image du désir et à tra­vers ses films elle en livre une explo­ra­tion vis­cé­rale mais dans laquelle les sen­sa­tions phy­siques ne se limitent plus à une parie de quatre jam­bons. Elle fit d’ailleurs sa pre­mière ren­contre signi­fi­ca­tive avec le cinéma éro­tique grâce à L’Amant de J-J Annaud d’après le livre de Duras. Ce fut pour elle une révé­la­tion. La pro­ta­go­niste y deve­nait adulte par son désir et dans une his­toire non conven­tion­nelle. Quoique réa­lisé par un homme, le film était conduit du point de vue d’une jeune femme lucide et aven­tu­reuse que n’effrayait pas sa sexua­lité nais­sante. On était loin des films X qu’elle avait vus jusque là.
La future artiste com­prit com­ment inté­grer dans le fil­mique la com­plexité de la pas­sion. Depuis, elle cherche tou­jours à dépeindre les ébats amou­reux avec un sens du beau même lorsqu’elle y intro­duit une dimen­sion paral­lèle faite d’êtres irréels ou mythiques de S-F. Dans un de ses courts-métrages (ins­piré par un fan de son site), deux femmes mangent le sushi de Play-Doh qui joue du corps d’un homme nu rigide comme un meuble. Son péri­née est cou­vert par un revê­te­ment sem­blable au vagin évo­ca­teur d’une sculp­ture de Judy Chi­cago. Puis les femmes font l’amour avec cette table humaine qui visi­ble­ment prend elle aussi du plai­sir à ce jeu.

Erika Lust s’est ensuite elle-même ima­gi­née être cette table pour deve­nir l’objet sexuel de sa par­te­naire : « Secrè­te­ment, elle sait que je peux la sen­tir, mais elle ne se sou­cie pas de ma satis­fac­tion. Pour elle je dois juste là ser­vir, plaire, (…) à la façon qu’elle me désire. Dans une monde paral­lèle je vou­drais être une table ».
Ses courts métrages sont nova­teurs et toxiques. Leurs palettes sucrées et leur monde fan­tas­tique sont sen­suel­le­ment sti­mu­lants et trans­gres­sifs : il s’agit de mon­trer une expé­rience hédo­niste consen­suelle qui frappe les sens et ren­verse les stan­dards d’un genre voué aux gémo­nies même s’il jouit d’une audience expo­nen­tielle sur le Net. Et c’est pour­quoi la Sué­doise pro­pose sur ce sup­port un contre-feu aux contre­fa­çons du sexe qu’offre le genre.

jean-paul gavard-perret

Films sur : erikalust.com

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