Smith Smith, Cosmos

Palettes

Cosmos  est né para­doxa­le­ment au sein du monde de l’industrie et au moyen d’un de ses sup­ports : les palettes. C’est lors d’un tra­vail d’intérim dans une usine de moteurs que l’artiste a com­mencé à les pho­to­gra­phier à la sau­vette en se posi­tion­nant au-dessus et par­fois en les vidant de leurs pièces. Sup­ports, ces palettes portent les stig­mates de leur rôle comme des vicis­si­tudes du temps et de la météo, mais grâce à Smith Smith leur fonc­tion se méta­mor­phose. La pho­to­gra­phie en ses trai­te­ments les trans­forme en « palettes » plas­tiques.
L’artiste a donc trouvé dans un lieu de labeur basique un moyen de « pas­ser des caps » (dit-il) et de trou­ver dans leurs figu­ra­tions quasi abs­traites une manière d’enchanter le monde. Leurs traces ne sont jamais trai­tées par volonté « cos­mé­tique ». L’imaginaire ren­voie la réa­lité à une fin de non-recevoir. Le bas­cu­le­ment dans « l’irréel » contre­dit la pres­sion du labeur indus­triel. Il se retourne comme un gant. Les signes acquièrent une pro­priété réver­sible dans les exten­sions infi­nies que l’art propose.

Les pho­to­gra­phies par­ti­cipent d’un sin­gu­lier mélange entre une radi­cale exté­rio­rité aux choses et une sen­si­bi­lité exa­cer­bée à l’égard des rela­tions qui leur sont socia­le­ment impo­sées. Prises, redé­cou­pages trans­forment l’objet en signes, le pro­jettent dans un monde phan­tas­ma­tique dont les clés tiennent de l’ordre d’une morale imma­nente, peut-être pas étran­gère à celle qui était sous-jacente aux « mytho­lo­gies » de Roland Barthes.
Pour le spec­ta­teur, ce qui est le modèle ou le « plan » du tra­vail manuel se déplace vers une féti­chi­sa­tion assu­mée : se greffent des rap­ports de plai­sir et de beauté dans une prise qui n’a rien à voir avec un « arte-povvera » mais avec son contraire. A la vio­lence sociale de ces objets fait place un autre monde : le titre  Cos­mos le défi­nit — par anti­thèse — magnifiquement.

jean-paul gavard-perret

Smith Smith,  Cos­mos, Jacques Fla­ment Edi­tions, coll. Car­nets d’artistes,  La-Neuville-aux-Joûtes, 2016 — 20,00 €.

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