Michel Potage, Avant-jour

Homo erec­tus

On se deman­dait où était passé Michel Potage. Il ne peint plus — du moins à ce qu’il paraît. Sa santé ne le per­met­trait pas. Il est vrai que sa vie est pas­sée par bien des aléas. Sa pein­ture le prouve : elle est génia­le­ment chao­tique et tor­tu­rée. Tel­lu­rique et « chaos­mique ». Lyrique aussi à sa manière. Mais il arrive au peintre d’écrire quelques mots spon­ta­nés sur des vieux cahiers d’écolier au moment où il semble vivre dans l’indifférence regret­table que génère son œuvre dou­lou­reuse, for­cé­ment dou­lou­reuse.
Lorsque le pop’art enva­his­sait le monde de l’art, Michel Potage optait pour la per­for­mance (« Tôles » — Fes­ti­val d’Avignon) puis pour l’installation (« Sols » — Centre natio­nal d’art contem­po­rain). Mais lorsque ces « genres » devinrent de mode il se met à peindre des arbres (« Green¬yard Pieces », hom­mage à James Joyce). Bref, il reste tou­jours où il n’est pas et sur­tout où les autres ne sont pas, plus ou pas encore, et ce en une quête incessante :

« Moi, M P, je veux aller à l’autre tableau, celui auquel je ne pense pas.
Il est flou en moi. Il devra être là.
Que je ne me méprenne pas : pas de fêtes.
Il y a la toile blanche, cou­verte de tout. Les images, n’en choi­sir qu’une, à cet ins­tant, la meilleure.
Ce n’est pas tout à fait une image, c’est moi en moi. »

Cette image du « moi » reste équi­voque, hasar­deuse, en rien com­plai­sante ou égo­cen­trée : un simple des­sin à la pein­ture noire sur une toile gros­siè­re­ment et par­tiel­le­ment recou­verte d’un enduit blanc dresse un arbre de vie du vide. C’est plus qu’une repré­sen­ta­tion : un lan­gage, un axe.
Chaque frag­ment du livre parle avec le corps pour l’érection féconde ban­dée de rêves, de pen­sées, d’inquiétudes, d’ambitions peut-être, de doute sûre­ment. Non que Potage pense avec son sexe : celui-ci est dans son cer­veau – et non l’inverse. L’écriture de l’intime res­semble à ses tableaux. D’où la puis­sance de ce texte qui dépasse son propre pou­voir et ses limites per­mises, en s’appropriant les plus simples armes de la créa­tion. Potage y demeure l’ « Homo Erec­tus », dési­rant, trans­gres­seur, résis­tant, regar­deur vers l’avant et en face, mar­cheur à sa façon même quand la vie ne laisse rien debout.

jean-paul gavard-perret

Michel Potage, Avant-jour, Edi­tions Fata Mor­gana, Font­froide le Haut, 2016.

1 Comment

Filed under Arts croisés / L'Oeil du litteraire.com, Poésie

One Response to Michel Potage, Avant-jour

  1. Villeneuve

    Tout est dit dans ce cri post-nuit et , en ins­tinct gré­gaire de sur­vie , j’accompagne Michel Potage mon ami de l’invisible intime
    dans son Avant-jour .

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