Collectif, Landscapes (exposition)

Nature seconde

Alison Bignon, pour le com­mis­sa­riat de Land­scapes, prouve une fois de plus sa finesse et son intel­li­gence tant par l’ “idée” qu’elle pro­pose du pay­sage que par celles et ceux qu’elle a choi­sis d’exposer : Maxime Beker­man, Nata­liya Lyakh, Robert Mack, Camille Mora­via, Celeste Leeu­wen­burg, Mathieu Four­nier, Valé­rie Evrard, Jen­ni­fer Abe­sira et Diana Chire.
Tous ces créa­teurs entrent dans le pay­sage y insé­rant leurs per­son­nages. Mais tout en dis­so­ciant le plus sou­vent la « chose » vue du regar­deur. Par dif­fé­rents effets d’écarts, le spec­ta­teur atten­tif prend conscience d’un élé­ment dont habi­tuel­le­ment il n’a pas la com­plète luci­dité : l’élément spa­tial dans lequel il vit et dans les­quels les per­son­nages jouent pour créer avec celui-ci une nature seconde.

Le pay­sage devient lieu incarné : on y pénètre, on y rentre en ten­sion. Sans d’anecdote ou du moins — et lorsqu’elle appa­raît — elle est contra­riée par ce qui la hante ou ceux qui « l’habitent ». S’y engagent le men­tal et l’émotion dans la conjonc­tion photographie-espace. Et les manières que pos­sèdent les artistes de la mon­ter créent dif­fé­rents types d’hybridation sans for­cé­ment cher­cher la séduc­tion mais une pré­ci­pi­ta­tion.
La « nature » devient un champ magné­tique d’une sen­sua­lité aérienne, dif­fuse. Demeure aussi une puis­sance tac­tile. Les artistes ne sont pas domi­nés par le pay­sage. A l’inverse, ils ne cherchent pas à la contraindre mais à l’habiter Le fan­tasme est rem­placé par diverses mytho­lo­gie à la ren­contre comme à la sor­tie du temps. La pho­to­gra­phie devient une tra­ver­sée, un gouffre de sen­sa­tions. La gra­vité est là mais s’y ren­verse non sans humour comme chez Camille Mora­via ou Celeste Leeuwenburg.

Tous les artistes prouvent que se « jeter » dans une pho­to­gra­phie est bien plus com­pli­qué qu’il n’y paraît. Un peu comme dans l’amour. On pour­rait croire que, l’ayant fait une fois, on peut recom­men­cer à volonté. Non, sauf à tom­ber dans ce que les artistes refusent : le pay­sage comme déco­ra­tion. Il per­met dans l’exposition la ren­contre rare d’une excep­tion avec le désir de retrou­ver quelque chose.
Et, par ces sai­sies, les pho­to­graphes osent pen­ser l’unité de l’espace, sa majesté, sa trans­gres­sion Entre ouver­ture et pro­fon­deur, l’espace coule ; les êtres s’y engouffrent.

jean-paul gavard-perret

Col­lec­tif, Land­scapes (expo­si­tion), Gale­rie de la Voûte, Paris, du 9 au 20 novembre 2016.

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