Ce livre est le recueil complet des écrits sur l’art de Gérard Titus-Carmel. Celui-là reste le lieu d’investigation de l’auteur puisque par ses images, les références poétiques s’entaillent, font défaut ou sont prise à défaut, voire se vident de leur sens. Même si, ici, les mots maintiennent un fil dans un travail dialectique entre l’art et l’écriture. Les textes montrent comment cela a joué et joue dans un grincement des gonds et des interstices. Il s’agit pour le créateur de perturber toute tangibilité afin de proposer une tension, une attention toujours renouvelée au fil des avancées temporelles et causales.
Dans le déchiffrement de ce double jeu, Titus-Carmel fait de chacune de ses œuvres comme de ses textes des « épreuves» exemplaires afin de créer chaque fois de nouvelles charnières qu’il nomme « points d’ouverture ». Il a souvent insisté sur ce point. Il ne cherche pas ce qui clôt mais ce qui — et à l’inverse — fait saillie, pénètre, rompt avec l’imitation, la ressemblance.
Mais il y a plus. Pour Titus-Carmel, ce qui compte ce ne sont pas ces fantasmes conscients ou inconscients que contient toute image mais le travail qui l’engendre. C’est là la nature de l’activité qui s’exerce sur, dans, à travers l’image : un travail à la fois d’harcèlement et d’usure (Titus-Carmel évoque pour le peintre la corrélation avec le tanneur) mais aussi de transparence et de suture.
Pour l’auteur, il n’est pas question de retrouver (singer) un modèle mais d’œuvrer par le temps à une reconnaissance primitive, à une autre présence qui ne cherche pas à reproduire une antériorité mais à prédire l’avenir à travers un corps-image. Il convient de le perforer. Et les textes réunis ici permettent de mettre à jour ce processus non seulement dans le travail du créateur mais dans l’art en général jusque là où la peinture a commencé et où elle a eu quelque chose d’intéressant à dire et à montrer : « non pas sur le motif, mais bien le motif » et dedans.
jean-paul gavard-perret
Gérard Titus-Carmel, Au vif de la peinture, à l’ombre des mots, Préface de Roland Rechet, Éditions L’Atelier Contemporain, Strasbourg, 2016, 744 p. — 30,00 €.