Isabelle Sbrissa semblera pour certains se contenter de peu. Mais ce peu est un tout tant la façon dont il est scandé fait rebondir le monde. La Genevoise poursuit ce qu’elle a entamé avec Poèmes poèmes. Privilégiant une écriture du second degré (voire plus), elle crée la distance entre le texte et le monde. Sachant que « Sous ce qu’on dit / l’écho dément », la poétesse vise une autre tension, une cohérence — défaite jouissive par ses « rêveries combinatoires ». Tout matériau (ou presque) devient possible pour conduire du faux-sens au non sens nourricier et inséminatoire.
L’auteure tord l’ennui, ne se veut pas la sœur de celle qui ne voit rien venir (prince sans rire ou dément qu’importe). Amatrice d’impétueux lexème à “sexème” de cinq à sec, elle propose ses « miellopées » au pied levé et selon des procédés de diversions plus ou moins qualifiables. Et c’est un régal. Le « je » devient complètement externalisé : il sort de son bocal à poisson où il dort sur un buffet comme une carpe (diem).
jean-paul gavard-perret
Isabelle Sbrissa, Produits dérivés, Reverdies combinatoires, Le Miel de l’Ours, Genève, 2016.