Il est toujours frappant de constater combien les théoriciens du cinéma, lorsqu’ils passent à la réalisation, créent un écart entre spéculations philosophiques et leur concrétisation. Celui qui dans les années de glaciation des Cahiers du Cinéma fut aux manettes mais qui, sorti du maoïsme, défendit Nagisa Oshima, Federico Fellini, Alfred Hitchcock, Jean Eustache, Marguerite Duras ou encore Martin Scorsese se rapproche dans son œuvre d’un Lubitsch en plus sérieux. Et devient même un Woody Allen européen.
Tout de suite maintenant reste un film en demi-teinte où l’intérêt se déplace légèrement par rapport aux précédents films de l’auteur. Le héros masculin (qui fut incarné par Luchini, Auteuil puis aujourd’hui Bacri) passe au second plan au profit d’une jeune ambitieuse dans le monde de la haute finance. Pour autant, Bacri garde une place de choix dans ce qui tient d’un conte légèrement cruel (dans la suite de Chercher Hortense) et où Vincent Lacoste, Isabelle Huppert, Pascal Grégory sont radieux et graves.
Si le principe moteur du film est la finance, très vite il glisse vers un autre sujet. « L’étalingure » — mot d’un poème d’amour qui arrive en fin du film — lui donne sa clé. Le sujet est moins économique que sentimental. L’objet reste l’amour, l’amitié, la filiation. Le grincement premier finit dans les bons sentiments.
Ce n’est pas accorder par ce biais une minoration de l’intérêt du film mais le replacer dans les sujets de comédie que Bonitzer cinéaste aime filmer et qui donne à son Tout de suite, maintenant sa gravité et sa légèreté.
jean-paul gavard-perret
Tout de suite, maintenant
Date de sortie 22 juin 2016 (1h 38min)
Réalisateur : Pascal Bonitzer
Avec Agathe Bonitzer, Vincent Lacoste, Lambert Wilson plus
Genre Drame