Les « poupées » d’Annabelle Boyer
Les poupées d’Annabelle Boyer appartiennent au champ d’une révolte souterraine et intime. L’artiste fait penser à ces femmes Mayas qui créent d’étranges figurines faites de divers morceaux. Mais les « Eve » de l’artiste sortent des traditions. Elles sont douloureuses et parfois fantaisistes dans leurs scénarisations. Elles possèdent un potentiel métaphorique complexe et puissant. Chaque œuvre soulève de nombreuses questions au sujet de la féminité et de sa représentation.
Nul folklore en cet arsenal. Surgissent aussi d’étranges icônes de notre civilisation occidentale. Fondée sur l’insolite, chacune pièce permet d’entrer dans le domaine de l’insondable jusque par les blessures de certaines d’entre elles. Elles rappellent autant certains tableaux du XVème siècle que des figurines Chiapas tout en se rapprochant d’autres exemples d’artistes contemporains (Annette Messager, Cindy Sherman).
Complexes et composites, ces poupées tiennent donc de l’histoire des Mystères du Moyen Age comme de l’aventure plastique postmoderne. S’y conjuguent diverses combinaisons et agglomérats de signes, d’objets et de matières pour souligner le mariage de l’innocence et de la violence. Avec de telles images populaires et enfantines, contemporaines et savantes le spectateur ne sait plus à quelle « sainte », « mère », « jouet », « figurine » se vouer.
Les juxtapositions insolites mettent au défi les attentes visuelles. S’y mêlent des éléments sombres et menaçants et d’autres plus en clarté et en charme. L’ensemble communique un sens perturbant.
jean-paul gavard-perret
Annabelle Boyer, Eve, du 20 avril au 18 mai 2016, Corridor-Elephant, Paris.